Surfacturations de marchés: Des avocats portent plainte, des accusés contre-attaquent

L’affaire de surfacturations de marchés en Guinée, notamment dans le domaine des travaux publics en 2013, est loin de connaitre son épilogue.

Alors que des hauts cadres de l’Etat mis en cause tentent, par médias interposés, de se blanchir, des avocats membres de l’Institut de recherche sur la démocratie et l’Etat de droit (Irded) et du Mouvement africain pour la défense des droits de l’homme et de la gouvernance (Afridho) ont surgi, armés d’arguments, pour saisir le procureur de la République près le tribunal de première instance de Dixinn pour que la lumière soit faite sur ce scandale  de détournements de fonds estimés près de 3 milliards de francs guinéens, soit plus de 430.000 dollars, prélevés sur des offres soumis par les entreprises en charge de certains travaux d’entretien routier. Cette plainte vise particulièrement MM. Bah Ousmane, ancien ministre d’Etat chargé des Travaux publics aujourd’hui conseiller à la Présidence, Mohamed Traoré, ex-directeur national du Fonds d’entretien routier promu ministre des Travaux publics et son remplaçant Benjamin Sandouno.

Le TPI de Dixinn a donc été saisi pour les « interpeller » suite à un rôle présumé qu’ils auraient joué dans ce dossier de détournement de fonds publics. Friands de griefs, les avocats ne manque pas de jargon juridique pour leur reprocher de « complicité, abstention délictueuse, faux en écriture, détournements des deniers publics, concussion, trafic d’influence, corruption et suppression de preuves ». Me Thierno Souleymane Baldé, le président de l’Irded, estime que la lumière doit être faite sur cette affaire pour éclairer la lanterne de l’opinion nationale et internationale sur leur responsabilité ou non. Cette démarche, disent les avocats, vise à lutter farouchement contre la corruption, les malversations financières et l’impunité érigées en système de gouvernance en Guinée. La balle est pour ainsi dire dans le camp du procureur de Dixinn pour « convoquer » les cadres accusés pour s’expliquer.

Vous avez dit, enquête parlementaire ?

Le procureur de Dixinn saisi, la lutte ne s’arrêterait pas là. Les avocats comptent également adresser une lettre au président de l’Assemblée nationale pour lui demander d’ouvrir une enquête parlementaire sur cette affaire. Dans cette guerre déclarée contre la mauvaise gouvernance, avertissent-ils, une pétition sera signée par tous les députés. « Nous allons publier les noms de ceux qui refuseront de la signer, afin que les citoyens sachent s’ils sont là pour défendre le peuple ou pour défendre des cadres qui dilapident les fonds publics », menace Me Thierno Souleymane Baldé de l’Irded. Pour Me Nouha Traoré de l’Afridho, il s’insurge contre l’incapacité et le laxisme de la Justice guinéenne à se saisir du dossier dès lors le scandale est a été révélé par les media et les témoignages existants. Il a déploré et condamné le fait que la société, à travers l’appareil judiciaire, ne se soit pas mobilisée à la première heure des dénonciations de cette situation pour traquer les « bandits à col blanc ». Ces cadres véreux,  la Guinée en compte en nombre, ne devraient pas s’abriter derrière des partis politiques ou leur appartenance ethnique pour faire obstruction.

 La réplique cinglante d’un accusé

M. Mohamed Traoré, le ministre des Travaux publics, cité dans cette affaire de surfacturation de marchés alors qu’il était directeur du Fonds d’entretien routier au moment des faits, a fait encore une sortie du moins politique pour répliquer à la décision des avocats de les poursuivre en justice.  Lui et Bah Ousmane, son ancien patron. C’est devant des militants du Rpg-arc-en-ciel à Hamdallaye, parti au pouvoir dont il est membre, que M. Traoré a cru bon de répondre à ses « détracteurs » qui utiliseraient les médias pour ternir son image. De la pire diffamation, selon lui. Au lieu d’affronter la justice, le siège du Rpg serait mieux indiqué pour son message à la fois satiriques et moins convaincant. Et n’en déplaisent à ses détracteurs : « Je ne les considère pas. Ils peuvent parler de cela partout, cela ne me dit absolument rien. Si c’était vous les militants de RPG Arc-en-ciel qui en parlaient, c’est ce qui allait m’inquiéter. Le travail pour lequel le parti m’a mandaté, c’est ce que je fais », a déclaré M. Traoré.

 

Zézé Zoumanigui

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