Affaire des 1999 carats de Bouna Keita: La surprise volte-face du procureur général William Fernandez
Le feuilleton judiciaire qui oppose l’opérateur économique et homme politique guinéen El hadj Bouna Kéita à l’ex-président de la transition Sékouba Konaté et l’homme d’affaires Roda Fawaz dans une affaire de confiscation de diamant au détriment du premier, était à l’ordre du jour à la Cour d’appel de Conakry, le lundi 24 mars, avec une note de surprise.
Lors de la dernière audience d’il y a presqu’un an, le tout puissant William Fernandez avait demandé la mise en délibéré de cette affaire en donnant raison à Bouna Kéita.
« Oui, parce que je n’avais pas lu tout le dossier. Les faits sont exacts, mais ce qui me gène dans ce dossier, c’est que Bouna Kéita a écrit dans sa correspondance adressée au président de la République, à la Cour suprême, au CNT, aux organisations de défense des droits de l’homme, aux religieux que Roda Fawaz est porté disparu dans la nature. Or, en ce que je sache, Roda Fawaz n’a pas quitté la Guinée à cause de cette affaire, il est au Maroc comme consul », se rétracte-t-il.
Alors qu’il avait soutenu ne déceler « aucun passage diffamatoire » dans la correspondance de Bouna Kéita. Ainsi, dans sa réquisition, William Fernandez dit avoir lu cette même lettre avec attention et relevé un passage diffamatoire qui porte atteinte à « l’honneur et à la considération » de Roda Fawaz.
Selon lui, le fait de dire que « les diamants ont été remis à un certain Roda Fawaz, aujourd’hui disparu dans la nature est une diffamation ». En conséquence, il a demandé à la Cour que l’opérateur économique Bouna Keita soit « retenu dans les liens de la culpabilité », en le condamnant d’un mois de prison avec sursis et au paiement d’une amende de 500.000 francs guinéens comme dommages et intérêts au général Sékouba Konaté et à l’homme d’affaires Roda Fawaz.
Il est soutenu par les avocats de la partie civile, Me Frédérick Sidibé et Me Tall, qui brandissent également la « diffamation » comme argument pour prouver la culpabilité d’El hadj Bouna Kéita.
« Les faits sont éloquents et suffisent comme preuves de diffamation à l’encontre de notre client. Nous demandons à la Cour de retenir Bouna Kéita dans les liens de la culpabilité et au paiement d’un franc symbolique », avance Me Tall.
Mais les avocats de Bouna Keita qui jurent sur Dame Thémis de démonter un règlement de compte, accusent le procureur général William Fernandez, à tort ou à raison, de passer voir général Sékouba Konaté en France et Roda Fawaz au Maroc « avant de revenir sur sa décision ».
Dans leur réplique, les Maitres Doura Chérif, Aboubacar Sylla, Rafi Raja et Barry rejettent en bloc tout argument diffamation. Pour Me Doura Chérif, la Cour d’appel ne doit pas être un lieu de règlement de compte ni de passion, mais un lieu de droit. Cités dans ce dossier, il a ainsi demandé à la Cour de délivrer des mandats d’arrêt contre le général Konaté et Roda Fawaz, tous deux absents à ce procès. Me. Aboubacar Sylla, lui, s’est appuyé sur les coupures de presse « pour lesquels Roda Fawaz avait porté plainte ».
Mais il se trouve que, selon lui, « on ne rencontre aucune citation appartenant à Bouna Kéita diffamant Roda Fawaz ». Me. Sylla estime que c’est faute de preuves à ce niveau que les avocats de la partie civile exhibent aujourd’hui la lettre adressée au président de la République avec ampliation à d’autres destinataires.
« Cette lettre avait pour objectif d’attirer l’attention du Président de la République sur l’injustice qu’il a subie de la part des autorités militaires associées à Roda Fawaz », martèle Me Sylla.
Me. Rafi Raja trouve justes les faits décrits par Bouna Kéita, car il est reconnu que « les diamants de Bouna Kéita ont été confisqués par les autorités militaires avant d’être confiés à un certain Roda Fawaz, qui aujourd’hui, a disparu dans la nature », insiste-t-il.
Des démarches souterraines auraient été menées par « le camp de Roda Fawaz pour la signature d’une convention avec Bouna Kéita qui devrait abandonner la réclamation de ses diamants contre l’abandon du procès contre lui pour diffamation ».
Le président de la Cour, M. Fodé Bangoura, a mis l’affaire en délibéré pour l’arrêt d’une décision le lundi 7 avril prochain. Après sa victoire au tribunal de première instance de Kaloum, El hadj Bouna Kéita aurait une forte chance de gagner ce procès, selon ses avocats, confiants que le droit sera dit.
Zézé Zoumanigui