Ebola: « La Guinée aurait aimé sentir la main et le cœur de ses frères et amis…. »

Kalifa Gassama Diaby est ministre guinéen des Droits de l’homme et des libertés publiques. Dans cet entretien, il s’est exprimé à propos de la fermeture des frontières pour cause de fièvre Ebola. Non sans dénoncer le manque de solidarité des pays voisins vis-à-vis de la Guinée. …

 Question: Monsieur le Ministre vous avez appelé les Guinéens à faire preuve de solidarité et d’unité face à cette épreuve liée à l’épidémie Ebola. Qu’est ce qui motive cet appel?

 

C’est dans l’épreuve que l’union et la solidarité trouvent toute sa place. Cette épidémie dramatique est une grande épreuve pour notre pays. Toutefois, sans nier la gravité de l’épreuve, l’extrême dangerosité de ce virus, ainsi que des conséquences socioéconomiques qu’il cause, nous faisons aussi face à une stigmatisation excessive et déplacée.

 

Et face à ces réalités, notre pays, tout en demeurant conscient du défi et des drames auxquels nous sommes confrontés, doit rester soudé, unis et déterminé pour mieux affronter cette situation. Comme l’a dit le Président, c’est un véritable combat qu’il faut engager contre cette épidémie. Et pour gagner ce combat, nous devons rester solidaires et unis, en faisant taire certaines divergences, des conflits mineurs et des intérêts partisans et égoïstes.

 

On ne peut pas se montrer divisé, quand on est stigmatisé de l’extérieur, parfois par ceux qui se disent nos frères ou nos amis. Les amis et les frères ne s’abandonnent pas à des moments difficiles. C’est quand on est en difficulté qu’on reconnaît ses amis et ses frères. On aurait souhaité sentir la main et le cœur de nos amis et de nos frères à nos côtés, aujourd’hui. Hélas, avec un profond regret on constate le contraire de la part de certains…

 


Quel appel lancez-vous, Monsieur le Ministre, à la communauté internationale?

Permettez-moi d’abord de remercier et de rendre hommage à l’ensemble de nos partenaires, des ONG qui nous soutiennent dans cette épreuve difficile. Nous leur disons merci au nom du peuple de Guinée. Nous disons à nos compatriotes de leur faire confiance dans leur travail. Ils sont la pour nous aider.

 

Nous leur demandons de nous soutenir, de nous accompagner face à cette épidémie, qui, au delà de sa dimension dramatique, a et aura des impacts considérables sur notre pays. Il faut donc que leurs soutiens soient à tous les niveaux. Notamment l’appui sanitaire, infrastructurel, économique et social. Il faut accompagner les familles, les personnes et les zones en difficulté.

 

Vous avez, comme l’ensemble du Gouvernement sévèrement fustigé la fermeture de frontières par certains pays voisins, pensez vous être entendus?

 

Nous le souhaitons. Ces fermetures des frontières, ne sont ni amicales, ni fraternelles, ni appropriées ni efficaces en réalité. Par ailleurs, politiquement et moralement, c’est un choix étrange entre des pays frères et amis. Comment parler d’intégration régionale et sous-régionale, si des pays qui sont sensés le faire ensemble se tournent le dos à la moindre difficulté? Comment parler d’intégration régionale et sous régionale, si les uns veulent profiter des meilleurs des autres, en s’enfermant aux amis et aux frères.

 

Pour des pays si historiquement, si culturellement et si socialement proches, une telle attitude nous surprend et nous peine. Maintenant, notre pays et notre peuple va pas se lamenter la dessus, nous allons rester unis et déterminés pour relever ce défi. Et on y arrivera. On ne demande pas de l’aide, de l’attention et de la disponibilité à un ami ou un frère qui n’y est pas disposé.

 

La Guinée regrette ces attitudes de la part de ces pays. Mais, comme on l’a toujours été, notre pays sera lui toujours à l’avant garde de la construction d’une union régionale et sous régionale et du combat pour la fraternité entre les peuples. La Guinée n’a jamais abandonné cette vocation, et elle n’a jamais tourné le dos à ses amis et frères en difficulté. L’histoire le prouve….

 

Monsieur le Ministre, que pensez-vous de la polémique sur le jeune guinéen qui est parti au Sénégal alors qu’il était atteint d’Ebola? Vous croyez vraiment que ce sujet est important?

 

Ce qui est important à nos yeux, c’est l’incompréhension de la fermeture des frontières par des pays frères et amis. C’est ça le sujet. Ce qui nous désole, ce qui nous peine, ce qui nous étonne, c’est la fermeture des frontières, chose qui n’est ni conseillée, ni recommandée, ni fraternelle ni amicale. C’est ça le vrai débat. Sur le sujet du jeune, Il n’y a pas lieu de polémiquer dans cette affaire.

 

C’est un sujet tout à fait mineur à nos yeux. On peut le regretter, mais il ne faut pas tomber dans le piège de la diversion. D’ailleurs, comment et pourquoi s’étonner d’avantage des faits et gestes d’un frère qui vous abandonne quand vous attendez sa fraternité et son amitié. Il faut simplement rappeler le principe de responsabilité et de rigueur dégagé par le Chef de l’Etat Guinéen:

 

– Le principe de responsabilité et de rigueur à l’endroit de l’ensemble des citoyens, de l’ensemble des acteurs. Ce principe implique que les citoyens restent conscients de l’extrême dangerosité de ce virus et de cette épidémie. Ce principe implique que les citoyens et l’ensemble d acteurs respectent toutes les précautions définies par les médecins, les spécialistes, afin d’éviter toute attitude de négligence et de légèreté.

 

C’est insupportable et foncièrement irresponsable d’entendre les gens douter d’une maladie si grave qui tue et endeuille des familles. Ce principe de responsabilité s’imposait évidemment aussi à ce jeune homme, qui il faut le rappeler s’est discrètement soustrait aux injonctions des autorités sanitaires en Guinée, en prenant le risque non seulement de mettre sa propre vie en danger et la vie d’autres personnes en Guinée ou ailleurs.

 

Le président de la République désapprouve tous les comportements irresponsables d’où qu’ils viennent. Et il faut noter que ce sont les autorités guinéennes qui ont informé les autorités sénégalaises sur la présence de ce jeune sur leur territoire. Maintenant, pour ce qui de la déclaration des uns et des autres, je pense que nous avons des enjeux autrement plus importants, notamment nous occuper de cette maladie, de notre pays et de notre peuple.

 

Et ne pas rentrer en polémique avec des amis qui nous ont fermé leur porte. Cessons de nous lamenter, battons nous en peuple unis pour affronter et vaincre cette épreuve. N’attendons rien à ceux et celles qui nous ont déjà fermé leurs portes et leurs fenêtres.

Il semblerait qu’on vous reproche de ne pas reprocher au Président Macky Sall sa déclaration concernant le jeune Guinéen, qu’en dites-vous?

Ah bon? C’est étranger… Écoutez moi bien, dites à ceux qui veulent me faire ce procès que je n’ai ni le temps, ni l’envie de rentrer dans cette polémique. Et quoi d’autre encore? De quoi s’agit-il? Un jeune compatriote qui se soustrait aux injonctions des autorités ( ce qui n’est pas responsable), qui va dans un pays, qui n’avait pas besoin de lui pour nous stigmatiser en nous fermant leur porte, sa frontière, et nous tourner le dos…et puis s’en suivent des déclarations.

 

Je dis que notre responsabilité est de ne pas tomber dans ce piège, de rester concentré sur l’essentiel. Et l’essentiel, c’est notre épreuve nationale, l’essentiel c’est l’attitude inamicale et non fraternelle de certains frères et amis à notre égard, en fermant les frontières. L’essentiel c’est de veiller à la protection les droits et la dignité de nos concitoyens partout où ils se trouvent. Tout le reste, cela n’a aucune espèce d’importance.

 

Avec ce qui se passe, moi je n’attends rien de ces pays, je crois d’ailleurs l’ensemble de nos compatriotes aussi. Des lors, pourquoi tomber dans le piège de diversion…Question: Monsieur le Ministre vous avez exprimé votre inquiétude sur la situation de nos compatriotes guinéens au Sénégal….C’est une inquiétude légitime. Car certaines nouvelles et certains faits nous alertent. Un État doit avoir le souci de tous ses citoyens où qu’ils soient, et les venir secours en cas de besoin. Je souhaite vivement dénoncer la stigmatisation de nos compatriotes dans certains pays, au Sénégal et ailleurs…. Un tel fait violerait toutes les conventions internationales relatives aux droits se l’homme, mais aussi les accords qui lient ces pays au notre.

 

Et rappeler aussi à nos frères de ces pays, que cette stigmatisation est inacceptable et injustifiée. Nous disons à nos compatriotes vivants dans ces pays de rester unis. Ceux qui se battent dans notre pays pour le respect du droit, pour la justice et le respect de la dignité de chacun de nos compatriotes, qu’ils soient en Guinée ou ailleurs, et de toutes les personnes vivant chez nous, le font très justement pour que nous puissions défendre l’honneur de notre pays et les droits de nos concitoyens partout où ils se trouvent, avec fierté et exemplarité.

 

Question: Monsieur le Ministre pour finir comment expliquez-vous les difficultés rencontrées dans le combat contre Ebola?

 

Nous faisons face à toutes les difficultés avec détermination. Je vous rappelle pour ceux et celles qui l’auraient oubliés, l’état de structures sanitaires dans ce pays. Nous avons hérité de cette situation, nous assumons bien évidemment notre responsabilité de gouvernants, mais nous le faisons avec la réalité culturelle de ce pays, la réalité des structures sanitaires de ce pays, la réalité de l’insuffisance du personnel médical et des moyens sanitaires de notre pays.

 

 

Bref, on peut dire tout ce qui ne va pas dans ce pays. Mais, l’heure n’est pas aux polémiques, aux débats partisans. L’heure est à l’union, à la solidarité et à la mobilisation de tous les Guinéens contre cette épreuve. Cette affaire n’est pas une affaire de gouvernement, c’est un enjeu pour l’ensemble du peuple de Guinée. J’appelle donc l’ensemble de nos concitoyens à l’union et à la mobilisation générale.

 

 

 

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