L’ex-ministre Dorval à propos de l’affaire Hamana : « je persiste et signe que je n’ai pas signé de contrat avec Hamana »
Le feuilleton Hamana SA-Etat guinéen continue d’alimenter la chronique. Et on en sait un peu plus. Chaque jour qui passe, c’est de nouvelles révélations qui sortent. Accusé par l’Inspection générale de l’Etat de devoir à la Guinée près de 2 milliards GNF, Mohamed Kourouma, PDG de Hamana SA, avait fait savoir que l’Etat lui doit de l’argent, notamment le prix des 21700 tonnes de sucre que celui-ci aurait pris avec lui.
Mais il se trouve que ceux qui doivent recevoir ce sucre disent n’avoir rien ‘’vu’’. L’autre problème qui se pose, c’est le contrat de vente que le PDG de Hamana dit avoir signé avec l’Etat à travers le ministère du Commerce. Le ministre de ce département au moment des faits, Mohamed Dorval Doumbouya.
Lors d’une conférence de presse qu’il a animée ce lundi, il dit n’avoir pas signé ce contrat et que son cachet apposé sur ‘’sa’’ signature serait volé : « [ …]il y a deux problèmes. Il y a le problème de la signature du contrat et le problème du cachet qui a été apposé. D’abord, je persiste et signe, je n’ai pas signé le contrat de Hamana. Ma signature a été imitée et le cachet qui a été apposé est un cachet qu’on m’avait volé. »
Mohamed Dorval dit vouloir parler pour démentir aux ‘’allégations’’.
«Aujourd’hui, dit-il, j’apporte des éclaircissements parce que je pense que je ne peux pas accepter que les gens continuent à authentifier le mensonge. Je ne souhaitais pas vraiment cautionner cet aspect du problème. C’est pourquoi je vais vous dire qu’en principe, qu’en moi, je dis que je n’ai pas signé, c’est ceux qui ont dit que c’est moi qui ai signé qui devraient prouver que je signé. Mais puisque ceux qui disent que j’ai signé n’ont pas apporté la preuve formelle que j’ai signé, moi, je fais l’effort de vous dire que je n’ai pas signé et je ne pouvais pas signer. »
Revenant sur la genèse de cette affaire, M. Doumbouya a dit que c’est en, février 2011 que le président Alpha Condé a initié un programme d’approvisionnement des populations en denrées de première nécessité à des prix abordables. Plusieurs opérateurs économiques, dont Mohamed Kourouma, auraient émis le souhait d’accompagner le gouvernement dans cette initiative. Ce qui pourrait établir un contrat entre l’Etat guinéen en faveur de ces opérateurs. Mais le gouvernement n’aimerait pas établir de contrat avec des débiteurs de l’Etat.
« Concernant Mohamed Kourouma, poursuit M. Doumbouya, j’ai consulté le ministre du Contrôle économique et financier par le courrier n°441 du 22 août 2011.Dans ce courrier, je lui ai demandé de me dire quelle est la situation de Hamana. Et le ministre Koulibaly m’a répondu le 29 septembre 2011. Pourquoi j’ai demandé à M. Koulibaly de me situer ? Ce n’était franchement pas pour enlever le pain à la bouche de Hamana, mais tout simplement m’assurer qu’il était éligible et qu’il n’avait pas de problème avec l’Etat. Mais c’est après qu’il a été constaté qu’entre la date du 22 août, date de la requête que j’ai faite, et celle du 29 septembre 2011, date de la réponse de M. Koulibaly, le marché de fourniture était déjà signé (le 15 septembre). Avant que le ministre ne me réponde, une lettre avait déjà été envoyée au ministre délégué au Budget pour accorder l’exonération des droits de douane de taxe à l’opération (19 septembre).»
Poursuivant, M. Dorval dit qu’une lettre a été envoyée à la douane que le ministre délégué au Budget a donné son accord d’exonération du sucre.
L’implication de sa Secrétaire générale
Si l’ex ministre du Commerce ne dit pas, de façon ouverte, qui a signé le contrat à sa place, il accuse sa Secrétaire générale, Mme Touré Hawa Keita, d’avoir signé toutes ces lettres : «Toutes ces lettres là sont signées de Madame la Secrétaire générale, Mme Touré Hawa Keita. Donc elle a demandé à ce qu’il y ait l’approbation du contrat, l’exonération. Alors que j’attendais [la réponse du ministre du Contrôle économique et financier]. Je voudrais vous préciser que Madame la Secrétaire générale a transmis le contrat du ministère du Commerce pour le ministère des Finances pour approbation le 12 août. Ça veut dire que moi, je n’avais pas encore écrit à M. Koulibaly. Ça veut que quand on transmettait le contrat signé, moi, je n’avais pas encore M. Kourouma (PDG de Hamana SA) en tête. Donc je n’avais pas encore pris la mesure et décidé de m’informer auprès du Contrôle économique et financier, parce que le contrat était déjà préparé, signé, je ne savais pas. Il a été transmis au ministre de l’Economie et des Finances 10 jours avant que je n’écrive à M. Koulibaly.»
Alors la magouille ?
Dans cette affaire, une véritable magouille se serait opérée. A en croire les documents exhibés par M. Dorval Doumbouya il y a beaucoup de zones d’ombre dans cette affaire.
«Je n’ai jamais dit qui a imité ma signature, qui a pris mon cachet, poursuit-il. Mais il y a un problème important à signaler. Le contrat de Hamana est du 15 septembre 2011. Le sucre dont on parle était sorti déjà en juillet 2011. Donc au moment où on sortait le sucre de Hamana en juillet 2011, contractuellement on n’avait rien avec lui. Autre chose, c’est que Hamana n’était même pas sur la liste des commerçants qui importaient le sucre à l’époque. Parce que quand nous nous sommes retrouvés au conseil, on nous a demandé de faire un tableau pour voir exactement les quantités de sucre que nous avons à Conakry. Hamana n’était sur aucun tableau. Donc au moment où nous parlions du sucre, Hamana n’en avait pas de stock, il n’avait aucun bateau annoncé. »
C’est pour toutes ces raisons que l’ex ministre du Commerce a demandé à ce que Mohamed Kourouma dise qui a signé le contrat qu’il brandit.
Le PDG de Hamana aurait-il menti à ses partenaires ?
Lors de cette conférence, M. Dorval montre deux contrats. L’un est un marché de gré à gré et l’autre un appel d’offre. Deux contrats, faut-il le préciser, pour un même marché. Selon M. Doumbouya, le PDG de Hamana aurait montré à ses partenaires qu’il a obtenu un marché à la suite d’un appel d’offre.
« On a dit découvert que Hamana a dit à ses partenaires qu’il est adjudicateur d’un marché. Non. C’est un marché de gré à gré. Finalement je crois, il a dû dire à ses partenaires que ‘’le gouvernement a lancé un appel d’offre, une concurrence. Je me suis battu. Je suis adjudicateur. Donc il y a de l’argent frais à gagner tout de suite. Si on met du sucre, je réponds’’. Donc les gens ont cru effectivement [à ça], parce que le courrier que j’ai reçu de Indiana, les gens là me disent que c’est effectivement un appel d’offre. Non, ce n’est pas un appel d’offre. Il a un contrat, ici c’est marqué gré à gré, là c’est un appel d’offre. Il faut savoir de quoi il parle. Parce que quand tu dis c’est un appel d’offre, pour les Blancs, pour ses partenaires, là c’est réglé. Le gouvernement a les moyens, on lance une concurrence et le résultat, c’est Hamana qui passe le premier. Donc c’est l’argent frais qui tombe. Mais non. On ne peut pas aller au paradis quand on n’est pas mort. Dans son papier, Hamana dit du sucre reçu il y a 430 mille sacs, il y a 60 mille périmés et après, il a vendu une partie. Mais il n’y a pas de pièce. Vous ne pouvez pas envoyer le sucre de quelqu’un et vous déclarerez que ça c’est bon, l’autre n’est pas bon. Vous n’êtes pas compétent pour en parler. »
Revenant sur le contrat, Mohamed Dorval Doumbouya souligne qu’au-delà du fait qu’il n’a signé le contrat, il y a d’autres problèmes : « Ce sucre qu’on a sorti précipitamment du port (juillet 2011) c’est pour court-circuiter les sociétés qui avaient le sucre à Conakry. Lui, il n’est pas en compétition. Ceux qui sont en train de compétir, qui sont en train de chercher à vendre leur sucre, et le gouvernement n’ayant pas discuté du cas de ces commerçants là, Hamana obtient la sortie provisoire de son sucre pour que demain il puisse dire ‘’ah, si je n’avais pas d’accord avec vous vous ne l’auriez pas sorti’’. Donc il court-circuite ceux-là qui ont du sucre à Conakry. Et ce jour là, le tableau est disponible, il y avait 17 mille tonnes à Conakry. Donc il n’y avait aucune urgence à sortir ce sucre là, surtout que le contrat n’est pas en discussion. Mais il y avait 77 mille 500 tonnes attendues. Donc il ne faisait pas partie de ceux qui avaient du sucre et ne faisait non plus partie de ceux qui attendaient le sucre. […]On nous a dit dans le contrat qu’il faut livrer le sucre 15 jours après l’approbation du contrat. Ça veut dire que le contrat étant du 15 septembre, on devrait pouvoir livrer 15 jours après, mais on livre ce sucre en juillet déjà. Là il y a un problème. Par ailleurs, il faut noter que dans le dossier, le certificat de l’office national de contrôle de qualité rend compte du résultat de l’analyse d’un échantillon de sucre prélevé le 9 novembre. On donne un papier du contrôle de qualité daté du 9 novembre, donc 5 mois après qu’on ait consommé le sucre. Après, dans le dossier, nous avons rencontré des factures de juillet 2013 qui parlent du sucre de 2011. Et après, on voit des factures de 2012. Je ne comprends pas. Qu’on ait travaillé en 2011 et qu’une facture soit ramenée pour rappeler que nous devons en 2011, mais pas qu’on nous facture en 2012. »
Comme on le voit, cette affaire est loin d’être réglée. Mais le PDG de Hamana pourrait bien avoir de soucis, car après l’Inspection générale d’Etat, chez c’est lui avec il aurait signé le contrat qui le charge.
avec mediaguinee