Liberia : Bloody Martina, une tueuse derrière les barreaux ?
Martina Johnson était l’un des lieutenants de Charles Taylor. Elle vient d’être inculpée en Belgique pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
C’est à Gand, en Belgique, que Martina Johnson s’était installée. Là qu’elle vivait paisiblement avec son mari, un Belge d’origine libérienne. Là qu’elle a été arrêtée, le 17 septembre, et inculpée pour des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis au Liberia en 1992. La plainte déposée contre elle par trois Libériens en 2012 évoque des meurtres de masse et des mutilations… À l’époque, Martina Johnson n’avait que 22 ans mais avait déjà développé, selon les témoignages recueillis à Monrovia, un art certain de la cruauté.
En 1992, cela fait deux ans que le président Samuel Doe a été assassiné. Charles Taylor, Prince Johnson et tout un tas de chefs de guerre se disputent le pouvoir tandis que les morts s’amoncellent. Martina Johnson est l’une des rares femmes à appartenir à la garde rapprochée de Taylor. Elle dirige une unité d’artillerie du Front national patriotique du Liberia (NPFL, en anglais). S’est-elle livrée à des actes de cannibalisme ? A-t-elle elle-même émasculé ses ennemis, comme l’ont écrit certains journaux ? Une chose est sûre : elle ne fait pas de quartier.
Surtout, Charles Taylor lui fait confiance. Elle est en première ligne lors de l’opération Octopus – l’assaut donné contre Monrovia restera l’un des épisodes les plus sanglants de l’histoire de la première guerre du Liberia. Des témoignages la placent aussi sur les lieux du massacre de six religieuses américaines à Monrovia (Charles Taylor a toujours nié la responsabilité du NPFL dans cet événement). Sa présence est signalée aux check-points où les Mandingues et les Krahns, considérés comme hostiles au NPFL, sont systématiquement pris pour cible.
Les années passent. En 1997, Charles Taylor remporte la présidentielle et lui confie la sécurité de l’aéroport international de Monrovia, véritable point d’entrée des armes dans le pays. Six ans plus tard, la guerre redémarre. Taylor s’exile au Nigeria et Johnson disparaît des écrans radars.
L’obstination d’un homme
La première fois que son nom ressurgit, c’est en 2009. Il figure sur la liste des plus grands criminels de guerre établie par la Commission Vérité et Réconciliation – laquelle estime aussi que le NPFL est, à lui seul, responsable de près de 40 % des violations des droits de l’homme recensées à l’époque. Mais Martina Johnson n’est pas inquiétée et peut émigrer en Belgique.
Il faudra toute l’obstination d’un homme, Hassan Bility (un ancien journaliste libérien jeté en prison et torturé sous Charles Taylor, et aujourd’hui à la tête du Global Justice and Research Project, à Monrovia) et d’une association suisse, Civitas Maxima (son directeur, Alain Werner, s’est fait connaître en travaillant pour le bureau du procureur dans le procès de Charles Taylor) pour que la justice s’intéresse enfin à Martina Johnson.
Le symbole est d’autant plus fort que la Cour pénale internationale n’a jamais paru s’intéresser au Liberia et à ses 200 000 morts, pas plus que l’ONU n’a manifesté la volonté de créer un tribunal ad hoc, sur le modèle du Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL). Et si Charles Taylor est aujourd’hui derrière les barreaux, c’est pour sa responsabilité dans des crimes commis en Sierra Leone, pas au Liberia. Là-bas, tout reste à faire.
JA