Dr Lamine Dieng, Guinéen de la diaspora: « Je conseille le président du Kazakhstan pour tout ce qui est investissement vers l’Afrique »
Dr Lamine Dieng est professeur de Physique et d’Astronomie dans plusieurs universités américaines, membre du secrétariat exécutif de l’ONG l’Union pour le Développement Intégré et Durable (UDID).
Le 9 décembre dernier, invité de l’émission « A vous de convaincre » de la radio City FM, co-animée par Alpha Ousmane Souaré et Zézé Zoumanigui de votre quotidien La République, il a longuement parlé des relations de coopération bilatérale entre la Guinée et le Kazakhstan, à travers l’UDID qui a offert récemment un important lot de médicaments d’une valeur de 300.000 dollars américains au gouvernement guinéen dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de la fièvre hémorragique virale Ebola. Ce pays de l’Asie centrale qui compte également doter la préfecture de Beyla d’un centre de traitement de cette maladie. Il partage également, avec aisance, ses ambitions, sa vision du développement de la Guinée et son regard sur la gouvernance du pouvoir actuel. Sans langue de bois…
Bonjour ! Nous sommes très contents de vous recevoir avec tout ce parcours très élogieux dont on parle de vous. Le Kazakhstan a offert des médicaments au gouvernement guinéen dans le cadre de la lutte contre Ebola et c’est vous qui avez procédé à la remise. Peut-on savoir quelles sont vos motivations ?
Dr Lamine Dieng : D’abord je vous remercie de cette invitation. C’est un grand plaisir pour moi d’être là. En parlant du Kazakhstan, je dirai que c’est un pays qui est très important, un pays qu’il faut voir avec la grande lettre K. On a eu à faire une remise de don humanitaire qui est estimé à 300.000 dollars. Je vais vous dire comment ce pays s’est intéressé à la Guinée. Je suis un conseiller de la République du Kazakhstan. Je conseille le président du Kazakhstan pour tout ce qui est investissement vers l’Afrique et un peu partout dans le monde. J’ai été promu récemment vice-président du secrétariat international du Jeu Global, une initiative du président Nazerbaiev pour appuyer les G8 et G20.
Quand le Kazakhstan a appris que notre pays, la Guinée, est frappé par l’épidémie Ebola, il s’est intéressé, en travaillant dans le sens des recherches en médecine. N’oubliez pas que le Kazakhstan a un produit qui guérit l’hépatite C, l’hépatite B et surtout la tuberculose résistante. La pathologie de l’hépatite C et celle de l’hépatite B ressemblent beaucoup à celle d’Ebola. Les autorités kazakhes se sont dit donc pourquoi ne pas venir en Guinée pour voir comment apporter leur soutien dans le cadre de la lutte contre cette maladie à virus Ebola.
C’est pour cette raison que le Kazakhstan est arrivé ici. On a fait un don symbolique à la Guinée, à travers la commission de riposte contre Ebola que dirige Dr Sakoba Keita. Ça a été un grand plaisir pour moi, en tant que Guinéen, d’être associé à cela pour traduire notre engagement à travers l’UDID dont je suis membre. C’est pour montrer effectivement que nous sommes venus pour essayer de tout faire pour qu’on en finisse avec cette maladie. Le président Alpha Condé a eu à le dire déjà. Il faut tout faire, d’ici fin décembre, d’éradiquer Ebola en Guinée. Donc nous, nous ne pouvons pas restés indifférents sans que nous ne nous impliquions. J’ai personnellement parlé de cela avec le président Alpha Condé à Washington lors du sommet Etats-Unis-Afrique. La question d’Ebola est une préoccupation majeure. Il faut vraiment qu’on s’implique, tout en passant par nos relations, en se donnant la main pour voir dans quel cadre il faut en finir avec cette maladie en Guinée.
C’est dans ce cadre que le Kazakhstan est venu nous assister. Je vous dirai aussi qu’au mois de septembre, précisément le 25, j’ai eu à réunir les miniers autour de ce qu’on appelle ‘’Ebola provice sector mobilization fund’’. Les miniers ont répondu à cet appel pour voir qu’est-ce qu’il fallait faire pour la Guinée. On avait vu que l’aide américaine était beaucoup centrée sur le Liberia et la Sierra Leone. On a les grandes multinationales qui opèrent chez comme Rio Tinto, BHP Billiton, Alcoa, Rusal et bien d’autres compagnies. Nous avons pensé que l’implication des grandes compagnies est aussi importante. Parce qu’il faut surtout les moyens financiers pour éradiquer rapidement Ebola en Guinée.
Alors comment un Guinéen a été nommé à un haut niveau de décision de ce pays, notamment au secrétariat ? Pourquoi c’est vous ?
D’abord moi, je suis membre de l’académie des sciences et des économistes de l’Euro-Asie qui comprend la Russie, le Kazakhstan, la Biélorussie, l’Ouzbékistan et le Kurdistan. Ce sont des pays qui faisaient partie de l’empire soviétique. Mon parcours est simple. J’ai commencé mes études en Guinée, à Madina où j’ai fait les maths-physiques. C’est de là que je suis parti pour l’Union soviétique quand j’ai eu le Bac pour poursuivre mes études dans cette discipline. Donc je connais la culture soviétique. J’ai eu la chance de visiter le Kazakhstan en 1988 quand le président actuel était le secrétaire du parti communiste de la République du Kazakhstan.
Le Kazakhstan est beaucoup plus méconnu des Guinéens. Mais comment ce pays est-il parvenu à s’intéresser à notre pays ?
Je crois que le Kazakhstan n’est pas un pays qui est très connu même dans le monde. Mais voilà un pays qui a émergé, un pays qui a une population de 14 millions d’habitants, mais qui a atteint un PIB colossal estimé à 200 milliards de dollars. C’est un pays qui a des ressources naturelles diversifiées, multi-ethnique et multi-religieux. Mais qui vit actuellement dans l’harmonie et dans la paix. N’oubliez surtout pas que ce pays a été colonisé par les Russes. Ce n’est qu’en 1991 qu’il a eu son indépendance.
Mon implication c’était surtout en 2003 quand le président Nazerbaiev est arrivé à New York où je conseille une institution qu’on appelle ‘’BCIU en anglais business concil international (?) créée par le président Eisenhower de la Maison-Blanche. Cette institution a reçu le président Nazebaiev. C’est là que j’ai la chance de l’approché depuis 1989. On s’est serré la main. Je lui ai dit que je l’ai rencontré en 1998. Et très heureusement, il s’en souvenait. Un jeune africain qui venait rencontrer le secrétaire général du parti communiste, c’était intéressant. Il m’a demandé ce que je faisais à présent. Je lui ai dit que j’ai eu mon doctorat en Physique et que je travaille pour cette institution. Je modélise le marché financier à la Bourse de New York. On a échangé en russe. Il m’a dit écoutez : le Kazakhstan, c’est chez vous. Revenez. Donc il m’a donné le courage d’être là, d’essayer de voir comment envoyer les investisseurs vers le Kazakhstan. Il a vu un jeune motivé et très sérieux. L’implication du Kazakhstan chez nous va de là. Et puis, j’avais solennellement dit au sénateur de l’Assemblée du Kazakhstan que nous sommes vraiment prêts, disponibles à recevoir toute aide qui viendra de ce pays surtout dans le domaine des recherches scientifiques en Guinée. Je pense que notre doléance a été entendue. Vous voyez, cette nomination au ‘’ Jeu Global’’, en me nommant vice-président du secrétariat international, vient d’un spectre bien classé. J’ai écrit des articles sur l’initiative du ‘’Jeu Global’’. Des articles axés sur le PIB. Parce que le président Nazerbaiev soutient cette initiative. Il faut que nous travaillions ensemble, il faut une intégration globale pour éviter ce qu’on appelle les crises mondiales financières. Ce que nous, nous pouvons faire, c’est de limiter le choc. Je veux dire la propagation de ces crises.
Plusieurs pays interviennent pour aider la Guinée dans la lutte contre l’épidémie Ebola, quelles relations entretient le Kazakhstan avec eux ?
Cette question est très intéressante. Mais, je ne pense pas qu’il ait des relations actuellement. Nous avons tissé une relation importante ici. Vous savez, il y a la Russie qui a envoyé un laboratoire mobile à Donka. J’ai personnellement accompagné les chercheurs Kazakhs pour visiter ce laboratoire. Les Russes nous ont ouvert ce labo. Ce sont des voisins très liés par l’histoire et la géographie. Je vous dirais que la plupart des investisseurs russes viennent s’approprier de l’expérience kazakhe. Le Kazakhstan est devenu une plate-forme tournante. Quand ils nous ont reçus, on a eu à parler de la coopération entre la Russie et le Kazakhstan dans le cadre d’Ebola en Guinée. On a dit au ministre de la santé du Kazakhstan d’entrer en contact avec son homologue russe. Cela s’est fait par le canal du sénat du Kazakhstan. La lettre a été faite et le ministre russe de la santé a répondu favorablement à la coopération. Grâce à notre alerte à partir de Conakry. C’est pour vous dire que nous avons déjà créé une coopération transversale entre la Russie et le Kazakhstan pour faire les analyses. Avec ce labo, les Russes veulent faire un vaccin qui doit tuer Ebola, alors que le Kazakhstan propose un médicament. Vous voyez, les intérêts sont diversifiés. Il n’y aura pas un conflit d’intérêt entre les deux pays. Les avancées sont faites.
Nous avons eu à constater que ‘’Médecins sans frontières’’ s’est isolé à Donka. Ils ne veulent travailler avec personne. On ne sait effectivement qu’est-ce qu’ils font. Depuis que je suis revenu de New York pour assister les Kazakhs, nous sommes sur le terrain. J’ai vu même les patients d’Ebola. On a regardé comment les choses se passent. On constate que d’autres pays s’impliquent dans la lutte contre Ebola. J’ai appris que les Etats-Unis et la France se sont s’impliqués. On a construit un centre de traitement d’Ebola à Forécariah. Je déplore un peu le manque de coodination entre tous ces pays impliqués. Ils travaillent en vase clos. Parce que c’est devenu un business. Mais nous, en tant que Guinéens, ce que nous devons faire, c’est de nous lever et essayer de tout mettre en œuvre pour que vraiment nous puissions éradiquer cette maladie.
Pour vous l’essentiel, c’est cela ?
L’essentiel, c’est cela. Mais la coopération transversale, la coopération entre les pays, est importante. Je n’ai pas vu cela encore sur le terrain. Depuis que nous sommes arrivés en tant que chercheurs, nous n’avons eu à faire qu’avec les chercheurs guinéens. Nous sommes passés par le comité de recherche. Le comité d’éthique reçoit bientôt les documents kazakhstanais. Mais ce qui m’a beaucoup impressionné, c’est que j’ai vu mes compatriotes chercheurs qui ont envie d’assister et d’aider. Tous ceux-ci ont donné leur accord pour assister les Kazakhs pour qu’ils puissent vraiment construire un laboratoire transversal où il peut y avoir toutes sortes de recherches confondues des mathématiciens, physiciens, biologistes ou laborantins. Ensemble, ils peuvent se retrouver pour essayer d’élaborer certaines questions importantes axées sur la santé publique dans notre pays.
Vous voulez dire qu’après Ebola ces centres peuvent servir à d’autres fins ?
Tout à fait. Nous sommes en train de construire des centres à court terme pour recevoir rapidement les malades d’Ebola. Mais je suis sûr et certain que la coopération avec le Kazakhstan ne va pas se limiter à ces centres. Il y a la construction des laboratoires multidimensionnels. Une chose très importante à mes yeux : le Kazakhstan a envisagé de construire un centre à Beyla. Il sera cogéré par les deux pays pour un échange d’expériences. On va ouvrir l’axe de coopération scientifique entre le Kazakhstan et la Guinée pour que nos chercheurs, médecins et étudiants puissent y aller pour voir comment ça se passe là-bas. C’est un acquis déjà. On l’a dit au coordinateur national de lutte contre Ebola et au président de la République. Je pense que cela va avoir lieu dans un bref délai.
C’est une coopération scientifique, mais par rapport à la gestion de ce centre qui va suivre le projet ?
Le Kazakhstan s’était engagé pour un début de faire la construction, le suivi et la prise en charge de ce centre. Mais très malheureusement, compte tenu de la situation dans laquelle on se trouve actuellement avec l’urgence d’en finir avec Ebola, le président Alpha Condé a eu, je crois, des rencontres avec des Américains. Ceux-ci ont décidé de prendre en charge la construction des centres de traitement d’Ebola. Cela veut dire que le Kazakhstan s’occupera seulement de la fourniture des intrants et des kits sanitaires pour qu’on ait un centre moderne qui répond aux normes internationales.
Avec la participation de la communauté internationale à la gestion d’Ebola, ne craignez-vous pas un conflit d’intérêt ?
Il y a une possibilité. Ce conflit d’intérêt commence à naitre. Le problème d’Ebola est devenu un business. On a eu à dire que même l’OMS n’a pas riposté à temps, n’a pas pris ses précautions à temps dans le cadre d’éradication de l’épidémie. C’est pour vous dire qu’il y a eu un laisser-aller depuis le début. Mais quand c’est nous qui souffrons de cette maladie, c’est nos populations paisibles qui en meurent, il faudrait que vraiment nous nous impliquions à fond. Que nous puissions mettre tout ce qu’il faut en place pour essayer de voir comment lutter efficacement contre cette épidémie d’Ebola. On ne peut pas compter seulement sur ces institutions internationales. On ne peut pas compter uniquement sur des pays. Il faut que les Guinéens se mettent à la tâche. Et le Président l’a dit. Il faut finir avec la maladie avant fin décembre. Ce n’est pas seulement par la parole qu’on pourra le faire, mais il demande à tous les Guinéens de s’impliquer. Comparer la Guinée au Liberia et à la Sierra Leone, vous verrez que nous sommes plus équipés par rapport à ces deux pays. Donc si l’on se donne la main, l’on s’implique comme il le faut, je pense que nous pourrons aboutir à une solution durable dans la lutte contre cette maladie à virus Ebola.
Mais que vous inspire la gestion de cette épidémie dans notre pays ?
J’ai eu à travailler avec la coordination de riposte piloté par Dr Sakoba Keita. Sans vous mentir, il est structuré, déterminé, engagé et pragmatique. C’est un cadre qui réfléchit dans le sens du business. C’est-à-dire, il faut comprendre la conscience des investisseurs en temps réel. Parce que quand vous parlez d’investissement, il faut parler du temps. Nous sommes frappés par cette maladie, il faut aller plus vite, attirer les investisseurs et toutes les bonnes volontés qui voudront venir nous assister en Guinée. Moi, ce que je peux dire, selon le contact que j’ai eu à faire, je ne connais pas le côté finances, mais le contact social, la détermination de la Coordination est là. Dr Sakoba que j’ai rencontré a toujours facilité les choses, par rapport par exemple à la formation des jeunes médecins. Les chercheurs Kazakhs avaient demandé de former les médecins guinéens. Pour une quinzaine sollicitée, on a eu plus de quarante. J’ai senti donc une réelle motivation. J’ai vu que la coordination était prête et elle nous a assistés. Si nous continuons à œuvrer dans ce sens, je pense que nous allons en finir avec ce virus.
Vous avez mis l’accent sur l’importance du temps, avez-vous été confrontés à des difficultés de procédure avant la remise du don symbolique au gouvernement guinéen ?
Vous savez notre pays, la Guinée, est un pays qui est un peu complexe. Quand nous sommes venus avec ces médicaments qui guérissent l’hépatite B et C dont la pathologie ressemble à celle d’Ebola, on s’est dit qu’il fallait les présenter à la Guinée. Notre pays est bien structuré. Avant de mettre un produit sur le marché, il doit suivre la procédure normale. Nous sommes appuyés par l’OMS qui donne des orientations. Mais il y a des petits problèmes qu’on a pu gérer. Qu’à cela ne tienne, j’ai vu un engouement au niveau de tous ces chercheurs rencontrés au centre de prévention.
Est-ce que cette procédure n’est pas lente, longue ?
Le facteur temps est important. La procédure est longue, parce que tous ces membres qui composent ce comité sont tout le temps en déplacement. Mais aujourd’hui, avec l’évolution technologique, on échange par les e-mails, le téléphone et l’Internet qui est disponible. Il y a une lenteur administrative bien sûr, mais qu’à cela ne tienne je dirais que ça va. Ça évolue dans les conditions normales.
En plus de ce don, est-ce que l’ONG UDID a d’autres projets pour la Guinée, notamment dans le cadre de la riposte contre Ebola ?
Tout à fait ! Comme je vous l’ai dit, je suis membre du secrétariat général de l’UDID chargé de la mobilisation des ressources. Compte tenu de mes contacts au niveau des mines, on est en train d’ouvrir d’autres axes de coopération entre cette ONG et les compagnies minières. Nous sommes une ONG nationale et internationales puisque nous avons nos antennes à New York, en France et en Belgique. En Guinée, nous sommes en train de finaliser l’installation des antennes dans tout le pays. C’est une ONG intégrée qui a vraiment le souci du développement socio-économique de la Guinée. Moi, quand je suis arrivé en 2012, j’ai été côtoyé par les jeunes de cette ONG en qui j’ai cru. J’ai trouvé que c’était des jeunes guinéens patriotes, une ressource humaine extraordinaire. Je me suis dit que je peux œuvrer avec eux, en apportant ma contribution au développement socio-économique de notre pays. Ensemble, nous avons des projets multidimensionnels. Vous avez vu quand les chercheurs Kazakhs étaient venus, ils ont été reçus par cette ONG qui est bien connue dans leur pays. Même par le président Nazerbaiev. L’année dernière, deux membres de l’ONG avaient été invités à participer à un forum économique mondial au Kazakhstan. Mais arrivés à Paris, ils n’ont pas pu cibler, malheureusement, les vols vers ce pays. Tout était arrangé au niveau du Kazakhstan pour leur réception. Je pense que c’est une ONG d’avenir. J’ai vu des ONG de la place venir quémander de l’argent à la coordination de riposte contre Ebola. Mais nous, nous avons apporté de l’aide pour assister notre pays à bouter l’épidémie hors de chez nous. Notre assistance a beaucoup touché les membres de Coordination. Dr Sakoba Keita était très fier de nous. Le président Kennedy disait souvent : ‘’ne demande pas à ton pays ce qu’il peut faire pour toi, mais demande ce que tu peux faire pour ton pays’’.
Pourtant cela est plutôt rare chez nous. Les ONG ont toujours la main tendue ?
Moi je ne sais pas si une ONG a apporté une telle contribution en Guinée. La plupart des ONG sont constituées ici pour recevoir les fonds de l’étranger. On a inversé un peu la tendance. Nous sommes connus et nous avons des relations. Alors on s’est dit pourquoi ne pas aider la Guinée qui a des problèmes. Ce n’est qu’un début. On a beaucoup de choses dans le pipeline comme on dit en anglais. Je suis un homme d’actions, donc très pragmatique. Je pense que mes relations aux Etats-Unis et en Europe, en tant que membre de cette ONG, pourront nous servir.
Vous cherchez des appuis ailleurs pour les redistribuer aux populations guinéennes ?
Tout à fait. Et c’est nous qui allons le faire en fonctions de nos relations. Nous les réunissons pour essayer d’apporter quelque chose à cette ONG qu’elle va distribuer aux Guinéens, à l’Etat, à tout le monde.
Et quels sont vos domaines d’intervention ?
Les domaines d’intervention ne sont pas limités. On a besoin de tout chez nous, en Guinée. C’est en fonction des besoins du pays que nous allons agir. On va s’intéresser aussi au football ou au basket. On va essayer de former les jeunes guinéens qui vont pratiquer ces disciplines sportives. Peut-être qu’on va créer des centres de formation. C’est-à-dire, nous œuvrons pour que nos compatriotes, pour que les Guinéens viennent ensemble.
Vous avez un projet phare ‘’Love Guinée Basketball’’ pour la promotion de la paix et de l’entente entre les jeunes, tant en Guinée que dans la sous-région. Qu’en est-il ?
Vous touchez un aspect très important. ‘’Love Guinée Basketball’’ est l’une des initiatives de l’UDID. Cette initiative a pris une direction complètement différente. C’est-à-dire, une direction positive. C’est devenu un vecteur de développement. Parce qu’en créant une initiative au niveau du basketball par exemple, en donnant la chance aux jeunes guinéens de rencontrer d’autres jeunes d’ailleurs, nous pensons que cela va changer beaucoup la donne. Moi c’est ce que j’appelle développement. Il faut que les jeunes soient à mesure de rencontrer d’autres dans le monde. Mais ce n’est pas tout. Je vous ai parlé du séminaire de Paris qui a réuni de nombreux jeunes avec ‘’Love Guinée Basketball’’ au siège de Rio Tinto. C’est un grand projet dans lequel des Australiens, des Américains, des Guinéens et bien d’autres sont impliqués. Donc nous sommes en train de mettre quelque chose d’important en place pour que notre pays s’en serve. Tout ce que nous, nous avons besoin, c’est la création d’emploi. On ne va pas se réunir si nous ne travaillons pas. Tout ce que nous allons faire doit aller dans ce sens. Une fois que nous avons un boulot, vraiment je pense qu’il y aura ce qu’on appelle la réconciliation. On a qu’à beau parler de la réconciliation, en mobilisant nos imams, nos prêtres, nos sages, mais si on ne crée pas les conditions de base, ce n’est pas gagné.
Beaucoup d’ONG se promènent en Guinée avec leurs bureaux dans le sac, mais qui bénéficient des financements. Selon vous cela est-il crédible aux yeux des partenaires ?
Je ne pense que cela n’est pas crédible aux yeux des partenaires. Je vais révéler quelque chose. A l’heure où je vous parle, le Kazakhstan, avec son président, a créé une fondation pour lutter contre Ebola en Guinée. Et cette fondation a été incorporée, il y a trois jours, à New York City. Je crois que le chef de l’Etat sera invité à son lancement, ou le coordinateur national de lutte contre Ebola et certaines personnalités guinéenne avant fin décembre. On m’a élu président de cette fondation. On m’avait dit est-ce qu’il ne fallait pas commencer par la Guinée pour créer cela. Mais comme je comprends un peu le terrain, je me suis dit que si l’on crée ça en Guinée, elle deviendra une simple ONG. Et les ONG sont très mal vues. J’ai consulté un avocat qui m’a donné des orientations par rapport à la création d’une ONG en Guinée. J’ai vu le temps que cela va prendre. Alors qu’à New York c’est en un seul jour qu’on a incorporé cette fondation. Parce que l’idée est venue d’abord du Kazakhstan. Pourquoi ? Ce pays veut jouer un rôle important. C’est un pays qui veut être vu. Un pays qui veut apporter sa contribution au monde, précisément aux pays africains. Mais très malheureusement qui n’est pas connu en Afrique. L’année dernière, ils ont ouvert une ambassade en Afrique du sud. Et cette année, une ambassade a été ouverte auprès de l’Union africaine à Adis Abeba. C’est pour vous dire qu’effectivement le Kazakhstan veut être vu. Donc la crédibilité d’une ONG est très compliquée, surtout chez nous. Les bailleurs de fonds se demandent parfois comment seront gérés les fonds qu’ils donnent. Nous, la fondation parrainée par le président du Kazakhstan va faire une convention avec la Guinée dans le cadre de la lutte contre le virus Ebola. C’est une première qu’un pays caché en Asie centrale s’implique en Guinée pour lutter contre Ebola.
Vous êtes un physicien qui s’intéresse beaucoup à l’économie et aux finances. Quels sont les projets personnels que vous avez pour votre pays ?
Une question intéressante. Je vous l’ai dit dans mon parcours. Je suis physicien et j’ai eu à travailler à la Bourse de New York où je modélisais le marché financier. C’est-à-dire où je faisais les calculs de volatilité, déterminer les orientations du marché de Wall Street. Ici, je travaille pour une compagnie des fonds couverts. Mais j’ai des projets divers, multidimensionnels. « Je suis en train de travailler avec les amis pour introduire une compagnie minière en Guinée ». Elle a tout récemment racheté les actions de BHP Billiton dans l’EuroNimba : c’est ArcelorMittal. J’ai eu à conseiller le PDG de ArcelorMittal depuis les années 2004 du côté de New York. Mes conseils sont biens écoutés et nous attendons à ce que les choses se facilitent pour que la compagnie puisse s’installer. C’est une compagnie qui opère au Liberia en 2007 et depuis, elle a un œil sur la Guinée. En 2011, elle a évacué le premier minerai de fer libérien vers le marché financier. Aujourd’hui, c’est cette société qui est en train de gérer la crise Ebola au Liberia. Elle a investi beaucoup d’argent. Elle acheté des ambulances, envoyé des experts. Vous voyez, avec cette compagnie, je veux que les mêmes choses se fassent en Guinée.
Mais très malheureusement, elle n’a pas encore commencé à travailler en Guinée. Je suis en train de faire un montage financier. Vous savez, le Kazakhstan c’est un pays minier qui regorge de beaucoup de ressources naturelles : le pétrole, le gaz, l’uranium…Et ArcelorMittal est le premier investisseur au Kazakhstan. Les sidérurgies dans ce pays appartiennent à M. Arcelor Mittal dont la société porte le nom. Un intime ami du président Nazerbaiev. Je le dis, parce que je le sais. M. Arcelor Mittal est également le président du conseil d’investissement étranger au Kazakhstan. C’est lui qui pilote cela. Je me suis dit que si Arcelor Mittal opère au Kazakhstan, donc un intime ami au président Nazerbaiev qui veut aider la Guinée pour lutter contre Ebola, il peut mettre pression sur Arcelor pour qu’il puisse investir dans cette fondation et participer à la lutte contre le virus Ebola en Guinée.
Je pense que cela va se faire. Parce que le Kazakhstan est un pays crédible qui a une plateforme d’interaction très large. Et une fois que l’idée vient de là, je pense que toutes les institutions et toutes les multinationales qui coopèrent, qui travaillent avec le Kazakhstan vont s’impliquer en Guinée, même indirectement pour lutter contre cette maladie à virus Ebola. C’est dans ce cadre que je fais le montage financier…
« Il faut se débarrasser de la médiocrité et faire appel aux compétences guinéennes qui sont à l’étranger »
Vous représentez cette société minière en Guinée. Où allez-vous vous installer ? Tout le processus est-il réglé pour commencer vos activités ?
C’est la première société dans l’acier. Il y a des négociations qui se font au niveau du comité technique guinéen. La compagnie ArcelorMittal est venue avec des propositions concrètes qui vont dans le sens du développement socio-économique de la Guinée. C’est là où nous sommes actuellement. Les compagnies minières sont différentes. Il y en a qui consomment le minerai, il y en a d’autres qui le commercialisent. Les intérêts varient en fonction du goût. Rio Tinto appartient au groupe des compagnies qui commercialisent le minerai. ArcelorMittal consomme le minerai de fer. Donc l’arrivée d’une telle société en Guinée va booster le secteur minier guinéen. Le secteur va créer beaucoup d’emplois en Guinée. Il faut tout faire pour le galvaniser, pour le mettre en valeur.
Vous voulez dire que la société ArcelorMittal aura sa propre concession et non une sous-traitance ?
Oui, elle aura sa concession à elle. Les actions de BHP Billiton sur l’EuroNimba sont estimées à 45% qui sont rachetées par Arcelor. Les actions de la compagnie française Areva estimées, je crois, à 13,5% ont été également rachetées. Donc ArcelorMittal devient un actionnaire principal dans l’EuroNimba. Les autres actions seront détenues par New Mining, une compagnie américaine spécialisée dans l’exploitation de l’or. C’est un plaisir pour moi qu’une telle société multinationale s’intéresser à la Guinée. Nous sommes assis sur des couches de fer et de bauxite pendant des années. Mais qui n’ont encore de la valeur pour nos populations. Elles n’auront de la valeur que quand elles sont mises sur le marché. On va le faire avec les multinationales. Nous n’attendons que le feu vert de l’Etat pour nous installer.
Quel regard portez-vous sur la manière dont les marchés sont conclus entre nos autorités et ces partenaires miniers. Est-ce que c’est la Guinée qui gagne ?
Beaucoup pensent que les compagnies minières font beaucoup d’argent quand elles sont chez nous. Je suis d’accord qu’elles font de l’argent, mais regardez une situation particulière : c’est nous qui avons les couches de terre, mais on n’a pas les moyens financiers de les mettre en valeur. Il faut que nous comprenions une chose : quel que soit quoi, il n’est pas facile pour nous, et il ne sera pas facile pour nous, d’avoir des montants colossaux dans un temps court précis. Tout ce que tu gagnes est quantifié en centime. C’est la somme de tout cela qui te donne le dollar. Un pays comme la Guinée, qui n’a que peut-être, disons, 4 milliards de dollars de PIB depuis sa création, doit faire beaucoup attention. Quand on parle de gagnant-gagnant, il faut différencier les intérêts. Qu’est-ce que nous en avons besoin ? Nous avons de besoin des conditions de base : eau, courant, infrastructures routières et ferroviaires…C’est ce que nous voulons pour un début. Ces conditions ne seront créées que seulement si nous avons les compagnies qui travaillent chez nous. Il faut voir l’intérêt de la nation dans tout cela.
Etes-vous favorables à un échange d’infrastructures contre ressources minières avec ces compagnies ?
Pourquoi pas. Dans le domaine bauxitique, nous disposons presque les 30 à 40 millions de réserves mondiales. Si une société s’engage à nous aider en optant pour un échange infrastructures contre mines, c’est bien bienvenu. N’oubliez pas que le monde évolue en temps réel. On ne peut pas s’assoir sur ces couches minières pendant longtemps, peut-être que demain elles n’auront plus de la valeur. La science évolue. Il faut en profiter maintenant pour que nous puissions avoir des retombées en utilisant nos ressources naturelles. C’est nous qui avons besoin de ces infrastructures de base.
Concrètement quels sont les moyens à votre disposition pour que ce projet puisse voir le jour ?
Vous parlez de quels moyens ?
Moyens financiers ?
Vous savez, moi je ne dispose pas de milliards de dollars dans ma poche. Mais j’ai un carnet d’adresses très important. L’argent seul ne suffit pas. Il faut savoir faire le lobbying. Moi, je suis un lobbyiste international connu au niveau de New York. Et j’ai des relations très fortes. Avec mes relations, on peut convaincre pour que ces multinationales et les institutions internationales mettent la main à la poche pour assister la Guinée. A l’heure où je vous parle, le Kazakhstan est en train de mettre 350.000 dollars dans un compte initié par le président Nazerbaiev pour attirer les autres investisseurs à lutter contre Ebola en Guinée. Donc tout va à partir de là. C’est la crédibilité et la confiance.
En tant que professeur, qu’est-ce que vous pouvez apporter à l’enseignement guinéen ?
Il y a des difficultés par rapport à certains domaines d’enseignement. On envoie des experts étrangers pour dispenser les cours d’astronomie en Guinée. Je suis prêt à enseigner n’importe quel cours de physique. Mais en attendant que je me lance dans ce sens, il me faut d’abord créer une petite base. Je ne viendrai pas, par exemple à Gamal, demander un salaire mais apporter plutôt ma contribution, donner les cours qu’il faut aux jeunes guinéens qui seraient intéressés.
Etes-vous prêt à établir un partenariat entre les universités guinéennes et certaines universités où vous avez enseigné ?
Tout à fait. On a cela dans nos programmes. Quand on a reçu le président Alpha Condé à Washington lors du sommet Etats-Unis-Afrique, il y a un éminent professeur d’économie présent, qui avait suggéré une coopération entre la George Washington University et les universités guinéennes pour faire les recherches en économie et en finances. Cela a été bien reçu par le chef de l’Etat. Donc mon but fondamental, c’est de créer ce qu’on appelle ‘’ouvrir’’ cette ligne de dialogue entre la Guinée et les Etats-Unis.
Quand vous parlez de physique appliquée aux finances et à l’économie, vous avez une expérience en la matière, mais pour un non spécialiste qu’est-ce que cela veut dire ?
Très important ! Beaucoup ne font pas la liaison entre la physique et l’univers. La physique comme vous le savez est une science qui étudie l’univers. Quand vous parlez de l’univers, vous parlez de la matière, de l’énergie, de l’espace et le temps. Et le marché financier évolue dans un contexte bien déterminé dans le temps et l’espace. Le prix bouge conformément à cela, comme une particule qui bouge dans l’espace. Les variations au niveau du marché. Si vous prenez les trois lois de Newton, la deuxième est beaucoup utilisée dans les finances quand on dit que la force est égale à la masse multipliée par l’accélération. C’est quand Newton a pu faire cela pour la première fois que le monde s’est rendu compte qu’il y a ce qu’on appelle les équations différentielles. En tant que physicien, elle fait une ouverture pour les mathématiciens. L’économie, c’est une science sociale. Mais si tu as des connaissances physiques et mathématiques, tu peux faire des applications. C’est une science sui étudie le comportement de l’être humain dans la société. Quand les décisions sont prises par l’Etat ou par les institutions, on peut modéliser tout en physique.
Quel regard portez-vous aujourd’hui sur l’économie guinéenne ?
Je suis né et grandi à Madina. Je ne pouvais pas imaginer que notre pays allait se trouver dans cette même situation aujourd’hui. Jeune, je te dirai que la Guinée va avoir une croissance aujourd’hui, va changer. Mais le regard pour moi aujourd’hui n’est pas positif. Parce que le panier de la ménagère n’est pas bien soulagé. Et pourtant, nous en avons besoin. En tant que pays, il faut remplir certaines conditionnalités basiques. C’est-à-dire, il faut bien manger, bien s’habiller, bien se soigner, bien se loger, bien vivre. Quand je me promène dans la ville de Conakry, je sens la pauvreté. Il faut oser le dire. Et nous, nous pouvons changer cette tendance. Parce que, c’est nous qui disposons des ressources naturelles, des ressources humaines capables d’aider notre pays de s’en sortir, capables de créer des conditions de vie normale. Tout ce que nous devons faire, c’est pour améliorer la vie de nos populations. Et cela se fera par des actes concrets et non par le verbiage. Des actes concrets, c’est d’ouvrir le pays aux investisseurs. Les capitaux privés sont très importants. C’est nous qui devons le faire. Mais tant que l’on s’oriente vers les institutions internationales telles la Banque mondiale ou le Fonds monétaire internationale, on ne pourra pas s’en sortir. Il faut approcher les investisseurs privés. Les capitaux doivent tomber, parce que nous sommes un pays très riche. Quand cela va se faire, je pense que nous allons enfin aspirer à un développement plus petit qu’il soit. Je suis pressé de voir notre pays se développer, mais la situation économique actuelle n’est pas reluisante. Le franc guinéen a connu une inflation préoccupante. On passe d’inflation à la stagflation, c’est-à-dire ça ne marche plus.
Vous avez un sentiment de déception. Mais la faute incombe à qui selon vous ?
La faute, c’est aux ressources humaines qui gèrent, qui dirigent le pays. Il y a eu une série de gouvernements chez nous. Certains ont posé des actes concerts, mais si vous prenez la somme de tous les actes posés, vous ne voyez pas d’impacts mesurables. Dans certains domaines, il y a eu des actes qui sont posés comme des routes, des maisons qui poussent partout à Conakry. Moi quand je partais de la Guinée, la ville de Conakry se limitait presque à Bellevue. Mais la question qu’on se pose, c’est dans quelles conditions ces actes-là ont été posés. Il nous faut des actes durables qui vont servir nos populations. C’est très important.
Quelles solutions préconisez-vous ?
La solution, c’est la bonne gouvernance, « se débarrasser de la médiocrité et faire appel aux compétences guinéennes qui sont à l’étranger ». Je crois qu’on en a suffisamment. Il faut leur donner les orientations. Mais il faut aussi travailler avec nos compatriotes qui sont là. Il faut un mixage pour essayer de voir comment on pourra aider le pays à sortir de l’ornière. Il faut qu’il ait une très bonne politique de gouvernance.
Vous parlez de compétences, mais les gens sont sommés grâce à leur appartenance à tel ou tel parti politique. Quelle est votre opinion sur cet état de fait?
C’est un état de fait qui m’handicape, qui m’ennuie vraiment. Quand je vois des personnes qualifiées, des gens qui ont une bonne formation, et qui ne sont pas placées parce qu’elles appartiennent à une telle ethnie, vraiment cela me dérange. Le développement ne doit pas se baser cet axe ethnique. Prenez les Guinéens tels qu’ils sont. Monsieur Zoumanigui vous êtes de Macenta, moi je suis de Mali Yimbèlin, travaillons ensemble pour sortir ce pays de l’ornière. Je déplore vraiment cette situation dans notre pays. Il faut changer cette attitude, il faut donner à César ce qui lui appartient. Mettez les Guinéens qui doivent faire le boulot là où ils doivent être.
Qui pour changer cette donne ?
On a des institutions. Mais les institutions les plus fondamentales c’est nous Guinéens, c’est la population. C’est nous qui allons changer. C’est parmi nous qu’il faut choisir ses leaders qui ont l’amour de ce pays, qui veulent que ce pays se développe.
Sans discrimination ?
Sans discrimination aucune. Mais malheureusement on ressent cela. Je vois beaucoup de cadres et de jeunes frustrés actuellement en Guinée. Pourquoi ? Parce qu’ils ne sont pas impliqués dans la gestion des affaires, la gestion du pays. Et je pense que ces affaires sont les affaires de l’Etat qui concerne tout le monde sans tenir compte de l’ethnie ou de la région. Si effectivement nous voulons nous développer et je pense qu’on pourra le faire. Nous sommes obligés à le faire maintenant, parce que nous vivons un temps bien déterminé, celui des nouvelles technologies. Nous vivons un temps de développement et d’intégration. Sinon les conséquences, on va les subir. Je ne le souhaite pas pour notre pays. Vous voyez, quelqu’un qui est à new York est informé en temps réel de ce qui se passe aujourd’hui en Guinée. Moi, je demanderais à ce qu’il ait un bon leadership, parce que c’est dans l’intérêt de la nation. Et le leadership doit commencer par le sommet. Les investisseurs regardent le sommet. Et là, ce sont les décisions qui sont prises, les nominations. Ils tiennent compte de ces paramètres en considération. La stabilité sociale voire politique vient de là. Il faut que le partage soit normal.
La distribution doit être normale. Si elle biaisée, c’est-à-dire si une ethnie est marginalisée, combattue, battue dans un pays comme le nôtre, je pense que cela n’ira pas dans le sens du développement socio-économique que nous voulons pour la Guinée. Il faut s’intégrer, il faut travailler ensemble, il faut que chacun apporte son grain de sel dans ce développement.
L’économie guinéenne est durement touchée par l’épidémie à virus Ebola. Quelles vont être les conséquences à votre avis ?
Les conséquences seront énormes. Ebola est un malheur contre la Guinée. On venait de signer un accord-cadre d’investissement avec Rio Tinto. Subitement Ebola a frappé à la porte. Les compagnies ont évacué leurs personnels expatriés vers chez eux. Cela ralentit la croissance. Comme le secteur minier fait partie des secteurs porteurs de l’économie, une fois qu’elle est frappée, il n’y aura pas de croissance. Nous sommes dans une situation déplorable. C’est très peiné que je vois ces compagnies minières plier bagages. Quand est-ce que nous allons mettre cette économie sur les rails ? C’est toute la question.
Ne pensez-vous pas que nous sommes trop dépendants du secteur minier alors que le secteur agricole est un autre atout ?
Je suis d’accord. Le secteur agricole, c’est le secteur le plus porteur. Mais c’est un secteur qui a été tout temps négligé chez nous. Parce que nous avons opté pour l’argent facile. Nous recevons les sociétés qui viennent, on récupère les sous et puis on s’assoit. Alors que le secteur agricole allait beaucoup employer les Guinéens par rapport au secteur minier. Je pense qu’il faut diversifier l’espace de développement.
Pourtant une des priorités du président Alpha Condé portait sur l’agriculture. Mais l’on n’a pas vu la moisson après trois campagnes lancées avec fanfare ?
Je suis d’accord avec vous. Mais un secteur qui est très complexe. Il faut savoir prendre des dispositions, savoir créer des conditions qu’il faut pour lancer ce secteur. Et pour le faire, il faut être sur le terrain. On a vu des tracteurs. Nos tracteurs qui sont trimballés vers la Sierra Leone, le Sénégal ou le Liberia. Des tracteurs qu’on a envoyés pour développer le secteur agricole de la Guinée. On a vu les engrais qui sont envoyés vers les zones minières. Pour développer, il faut être vraiment serein et attacher la ceinture. Parler ne suffit pas, il faut poser les actes concrets, mesurables.
Vous voulez dire que l’Etat doit être sur le terrain au lieu de passer par les paysans ?
C’est cela ! Nous avons vu ce que l’Etat a donné aux paysans. L’Etat crée les structures qui fonctionnent, qui sont en rapport direct avec ces paysans. Il doit assurer un contrôle et un suivi, même s’il faut faire appel aux experts. On ne peut pas jeter seulement des intrants agricoles et les tracteurs aux paysans sans un suivi sérieux. Il faut que l’Etat soit très sérieux pour développer ce secteur important. On est paresseux. On ne veut rien faire. Alors que les agriculteurs sont les plus occupés. Il faut mettre des unités agricoles qui fonctionnent et qui sont suivies par l’Etat à la loupe.
La Guinée est un scandale agricole donc ?
Oui c’est un scandale agricole, je dirais même humain. Nous avons une très bonne ressource humaine qui opère un peu partout. J’ai vécu un scénario. Quand on parle des Guinéens au niveau des institutions internationales, on ne parle pas de nos cadres. Parce que la plupart des cadres guinéens étaient sortis avec des passeports étrangers. J’ai été surpris d’apprendre que même au CA de la BAD la Guinée est représentée par un ‘’Ivoirien’’. L’actuel ambassadeur de la Guinée à New York auprès des Nations Unies, M. Mamadi Touré, y travaille au compte de la Côte d’Ivoire. C’est vous dire que nous avons de grands cadres. Mais avant, le passeport guinéen était un bijou précieux qu’on ne donnait pas aux gens. Les gens sortaient pour chercher des passeports ailleurs. Ils se sont servis de ces passeports pour être citoyens de ces pays. J’ai rencontré tout récemment le président Macky Sall à Leningrad, à la conférence du G20. J’étais venu au nom du Kazakhstan. J’ai créé un contact entre lui et le président Azerbaiev. Mais la première question que le président Macky Sall m’a posée quand il a su mon nom, c’était de savoir si j’étais Sénégalais.
Parce que vous êtes DIENG ?
Oui ! Il était impressionné de voir un Guinéen faire cela. Quand on a échangé, il a compris que je suis Guinéen. Mais nos parents viennent du Foutah Toro. Quand ils sont venus vers la Guinée dans les années 1745, il n’y avait le Sénégal. Moi je suis de Mali Yimbèlin. Les grandes familles de Mali sont connues : les Souaré, les Dieng, les Touré, Tounkara, c’est des autochtones. Il faut essayer d’accorder la chance à nos ressources humaines de s’affirmer.
Qu’est-ce qu’il faut maintenant pour que tout cela soit effectif avec la ‘’Guinea is back’’ ?
Le changement qu’on a commencé en Guinée, personne ne pourra l’arrêter. Le président Alpha Condé a dit qu’il va faire le changement, et ce changement, même si lui ne le fait pas, je vous dis, on ne fera pas marche arrière. La Guinée ne pourra qu’évoluer. Sous peu de temps, les paramètres vont changer. Le roi Mohamed VI a dit au président Alpha Condé ici que la Guinée est comme un verre d’eau à moitié rempli. On a tous les ingrédients qu’il faut pour se développer. Il ne reste plus que la volonté politique. Tout ce que nous avons besoin, c’est d’avoir un bon leadership. Le changement ira jusqu’au bout.
Merci beaucoup Dr Lamine Dieng.
C’est moi qui vous remercie !
Propos recueillis par Alpha Ousmane Souaré et Zézé Zoumanigui