Ebola, révélateur de la refonte nécessaire du système sanitaire guinéen ⃰
Ouestafnews – Les pouvoirs publics guinéens doivent être doivent amenés « à repenser la politique sanitaire» en vigueur dans ce pays dont la défaillance du système sanitaire a été mis à nu par la crise Ebola, préconisent des experts, parmi lesquels, le président de l’Ordre des médecins de Guinée, le professeur Ibrahima Baldé.
« J’invite tous ceux qui sont concernés à contraindre les responsables politiques et administratifs de notre pays à repenser la politique sanitaire de notre pays, afin qu’on puisse rééquiper les hôpitaux de Guinée, en utilisant par exemple une partie de l’argent servant aux évacuations de malades à l’étranger», a-t-il dit dans un entretien à Ouestafnews.
La santé «n’est pas du tout une priorité» pour le gouvernement guinéen, au regard notamment des ressources financières allouées à ce secteur, évaluées à «seulement 2,5% du budget de l’Etat».
Une situation « inadmissible », compte tenu par exemple des recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) demandant aux Etats d’allouer au moins 15% de leur budget à la santé. Si l’on en croit Ibrahima Baldé, « la Mauritanie est à 10%, la Côte d’Ivoire à 14% et le Sénégal à 15% ».
Aussi l’Etat guinéen doit penser « à équiper les structures publiques de santé », en les dotant de matériels de radiologie et d’imagerie médicale, de scanners, mais aussi de laboratoires, selon ce professeur agrégé en chirurgie pédiatrique.
«Une fois cela acquis, on devrait penser à rehausser les salaires des médecins» dont les rémunérations « sont tellement dérisoires que c’est sur les malades qu’ils se rabattent pour avoir de quoi leur permettre d’aller à leur lieu de travail», a noté Ibrahima Baldé.
Outre le fait que « le personnel de santé vit dans des conditions matérielles inacceptables», « les structures et les équipements sont tellement dérisoires que les malades se tournent davantage vers les structures privées», a déploré le professeur Baldé, fondateur à Conakry, la capitale guinéenne, d’une structure spécialisée dans le traitement des femmes enceintes et des enfants.
« Le plus grave (…), a poursuivi M. Baldé, c’est qu’il y en a qui vont dans des pays limitrophes comme le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Mali ou ailleurs, en laissant ici des compétences professionnelles du même niveau que ces pays-là, mais qui manquent complètement d’équipements».
Or, la formation des médecins guinéens « est impeccable » et de même niveau que celui de leurs collègues des pays limitrophes, a fait valoir le professeur Ibrahima Baldé. « Il s’agit tout simplement de gens qui n’ont pas de quoi vivre, de quoi aller à leurs lieux de travail. Je vois certains médecins munis de parapluie, qui cherchent des taxis pour aller à leur service», a-t-il estimé.
«Vous ne pouvez demander à ces gens-là de faire preuve de générosité extrême. Les médecins guinéens font ce qu’ils peuvent. Mais le fait que qu’on alloue seulement 2,5% du budget de l’Etat à la Santé est inadmissible », a tranché M. Baldé.
Les salaires versés aux médecins guinéens « sont tellement dérisoires que c’est sur les malades qu’ils se rabattent pour avoir de quoi leur permettre d’aller à leur lieu de travail», a soutenu Ibrahima Baldé.
Au regard de ce tableau, l’épidémie de fièvre hémorragique à virus Ebola n’a fait que mettre « à nu les graves problèmes du système de santé en Guinée », a de son côté fait observer le docteur Yansané Mohamed, co-auteur d’une étude sur le partenariat public-privé dans le domaine sanitaire, dont la première mouture a été présentée le 10 juin dernier, à Conakry.
Dans le cadre d’une plateforme de discussions organisée par la Société financière internationale (SFI) et du ministère guinéen de la Santé, des médecins, pharmaciens, assureurs et autres représentants d’entreprises étaient appelés à enrichir ce document en cours de réalisation.
Selon les premiers résultats de cette étude, le secteur de la santé souffre en Guinée de la faiblesse de revenu des populations, l’inégalité de répartition et la faible qualité des soins.
S’y ajoute le déséquilibre quantitatif et qualitatif de la distribution du personnel soignant (83% du personnel dans les zones urbaines), le poids des maladies transmissibles et non transmissibles, la quasi-inexistence du partenariat public-privé et un financement sanitaire reposant largement sur les ménages (62 %).
D’autre part, l’on apprend d’une source proche du ministère de la Santé Guinéen, la mise en place d’une nouvelle politique nationale en matière de santé qui y entend régler la question des insuffisances matérielles et humaines.
Bachir Sylla
⃰ Produit en collaboration avec Ouestafnews grâce à l’appui d’Osiwa
Source : La République