Un confrère du Burkina s’interroge : Dadis absent de la présidentielle, Alpha Condé peut-il pour autant se frotter les mains ?

Sauf retournement spectaculaire de situation, Moussa Dadis Camara ne pourra pas prendre part à la présidentielle d’octobre prochain en Guinée, en tant que candidat. En effet, celui qui avait annoncé, tambour battant, son intention de rentrer dans son pays pour briguer la magistrature suprême, n’avait pas pu faire acte de candidature jusqu’à la clôture de la liste, le mardi 1er septembre dernier.

Pourtant, après plusieurs départs manqués, l’exilé de Ouagadougou croyait enfin tenir entre ses mains, son retour triomphal au pays lorsqu’il embarquait à bord de l’avion qui devait le ramener dans sa patrie via Abidjan, le 26 août dernier.

Contre toute attente, il sera ramené sur les rives du Kadiogo, sans avoir pu transiter par le sol ivoirien, encore moins fouler celui de sa Guinée natale pour espérer rivaliser avec les huit candidats enregistrés au soir de la date de clôture et qui ont pour noms : Cellou Dalein Diallo, Sidya Touré, Lansana Kouyaté, Papa Koly Kourouma, Faya Millimono, Georges Gandhi Tounkara, Marie Madeleine Dioubaté et le président sortant, Alpha Condé.

Pour cause, entre Abidjan et Conakry, des ordres venus d’on ne sait où ont dérouté son avion sur Accra au Ghana, sans que l’on ne sache exactement le fin mot de l’histoire. Mais derrière cette situation confuse, certains partisans de l’ex-président ont vite fait de voir une collusion entre le président guinéen Alpha Condé, candidat à sa propre succession, et le numéro un ivoirien, Alassane Dramane Ouattara, pour empêcher l’enfant de la Guinée forestière de rentrer au pays et s’aligner dans les starting-blocks de la présidentielle.

Ce faisant, ils auraient agi de manière à exclure un candidat censé jouir de ses droits civiques et politiques. En tout cas, même si les deux capitales s’en défendent, le résultat est le même : Dadis Camara n’a pas pu mettre les pieds en Guinée comme il le voulait ; adieu donc la présidentielle d’octobre prochain pour forclusion.

Et dans le cas d’espèce, un tel « crime » profite sans conteste au pouvoir guinéen qui exprime ainsi son mécontentement face au « crime » de lèse-majesté de Dadis Camara qui n’a trouvé rien de mieux que de tourner le dos au locataire actuel du palais Sékhoutouréya qu’il avait pourtant soutenu à la présidentielle passée.

L’enfant de la Guinée forestière a préféré nouer une alliance avec l’opposant Cellou Dalein Diallo. Et quand on sait que le précédent scrutin s’était joué à peu de choses près, ceci pourrait bien expliquer cela.

Les jeux restent ouverts pour une présidentielle guinéenne qui s’annonce encore houleuse

Toutefois, d’un autre côté, Dadis Camara ne devrait s’en prendre qu’à lui-même, pour avoir choisi un mauvais timing pour son retour en Guinée; notamment à la veille de la présidentielle, et après s’être déclaré candidat et avoir opéré un tel rapprochement. Au moment où il filait une belle idylle avec le maître de Conakry, il aurait pu en profiter pour bien négocier son retour, et cela n’aurait pas produit un tel retentissement.

Cela dit, si Alpha Condé était animé du désir de faire rentrer au pays un grand citoyen guinéen comme Moussa Dadis Camara, pour avoir été un ancien chef d’Etat, rien ne l’empêchait, pour montrer sa bonne foi, d’affréter un vol spécial pour venir le chercher à Ouagadougou. Et ce ne sont pas les autorités burkinabè, pour qui cet exilé de luxe est depuis longtemps un colis bien encombrant, qui s’y seraient opposées.

Quoi qu’il en soit, les dés sont jetés et la donne ne peut plus changer. Mais pour autant, Alpha Condé peut-il se frotter les mains ? Rien n’est moins sûr. Car, si l’absence de Dadis Camara peut contribuer à affaiblir un tant soit peu son principal challenger Cellou Dalein Diallo, il n’en demeure pas moins que ce dernier, au vu de son score à la présidentielle passée, garde non seulement intactes ses chances sur le terrain, mais aussi pourrait nouer d’autres alliances avec d’autres poids lourds de l’opposition dont Sydia Touré, celui-là même qui avait accordé ses voix au second tour à Alpha Condé pour lui permettre de remporter le scrutin.

En outre, si la thèse de la responsabilité d’Alpha Condé dans les ennuis de Dadis Camara devait prospérer auprès des électeurs, cela pourrait desservir le chef de l’Etat dans le fief de l’ex-président, la Guinée forestière. Sans compter que même absent, Dadis Camara pourrait bien lancer un appel à ses partisans en faveur de Dalein Diallo ou tout autre candidat.

De ce point de vue, les jeux restent ouverts pour une présidentielle guinéenne qui s’annonce encore houleuse, puisqu’on observe déjà une levée de boucliers de l’opposition autour de la question du calendrier électoral. Il faut donc croiser les doigts pour que cette fois-ci, la Guinée sorte plutôt renforcée de cette élection et tourne définitivement la page des violences qui y ont souvent émaillé les scrutins.

Ce serait un pas de géant, et une véritable avancée pour sa jeune démocratie. Maintenant qu’il ne peut plus se porter candidat, faut-il s’attendre à ce que Moussa Dadis Camara ne rencontre plus d’obstacles sur le chemin de son retour dans son pays où l’attend le brûlant dossier judiciaire des massacres du 28 septembre ? L’avenir le dira. Mais si ce devait être le cas, l’on pourrait dire qu’Alpha Condé aura réussi son coup sur toute la ligne.

 

 

Outélé KEITA

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