Disparition de Georges Gandhi Tounkara : sortie de scène discrète pour un homme distingué…
La disparition subite de l’ancien ministre de l’enseignement supérieur, Georges Gandhi Faraguet Tounkara, Gandhi pour ses proches, est une grande perte pour la Guinée. Cette nouvelle douloureuse devrait être pour chacun d’entre nous un grand moment de méditation sur notre condition humaine, incertaine et tellement fragile. En définitive, tout ne tient qu’à un bout de fil !
Le défunt Gandhi est un homme aux multiples facettes. Sa brève carrière politique est connue de tous, mais il y a d’autres tiroirs dans la vie de ce Monsieur raffiné et courtois. Personnellement, je l’ai connu pour la première fois au cours d’un reportage à la fin des années 90, alors qu’il était fondateur des établissements Saint Georges, au milieu de ses innombrables diplômes acquis pour la plupart à l’étranger, dans son bureau du quartier de Ratoma, à un jet de pierre de ce qui est jusqu’à aujourd’hui l’hôtel Riviera. L’Université Mercure n’avait pas encore été créée à l’époque. Cette rencontre me révéla un homme plein d’énergie, ambitieux pour son pays et cohérent dans ses idées.
Cette première impression fut confortée lors notre deuxième rencontre, dans un tout autre contexte. Gandhi, le diplomate, était une sorte de conseiller chargé des relations extérieures de l’ambassade britannique à Conakry. Dans un anglais parfait, il conversait avec son ambassadeur pour caler un rendez-vous que nous avions sollicité en tant que journaliste dans le but d’apporter une valeur ajoutée à une dépêche sollicitée par Reuters.
En Mai 2005, je découvris une autre facette de l’homme toujours impeccable dans sa tenue et pondéré. Nous nous sommes rencontrés à Kipé, en face de ce qui est devenu de nos jours le Diamond Plazza, dans l’un des rares clubs de jazz qui tenait la route à Conakry. Dans une ambiance feutrée, je fus accueilli par mon ami Alpha Amadou Thiam, qui me révéla que l’idée du club était celle de… Gandhi, qui était en fait le véritable propriétaire. J’étais très loin de m’imaginer que Gandhi explorait ce type de musique réservé à un petit groupe d’initiés. Je m’attendais à rencontrer un connaisseur comme Teliwel Diallo (devenu lui aussi plus tard ministre de l’enseignement supérieur) ou l’anthropologue et journaliste, Daouda Tamsir Niane, mais pas Gandhi.
Et pourtant, cette nuit là, ma conversation avec celui dont on pleure aujourd’hui la disparition finit par me convaincre de sa grande connaissance de ma musique préférée. Un des témoins de cette rencontre fut ni plus ni moins le grand musicien africain, star mondiale du blues et auteur de l’album Talking Timbuctu (1), le Malien Ali Farka Touré. Rien que ça ! L’excellent musicien guinéen Mohamed Kouyaté, qui a d’ailleurs joué ce soir là dans un style inoubliable, suivait la scène. Kouyaté sortait du festival de jazz d’Alfred Houlemou, organisé au Centre culturel franco-guinéen, où il est monté sur scène avec l’Américain Marshall Keys, avant qu’Ali Farka ne vienne nous hypnotiser avec son toucher du merveilleux guitariste qu’il fut. Un très très grand moment.
Sans être snob, Gandhi, était un homme qui aimait les choses bien faites, « select ». Il n’avait rien à voir avec ces gens qui par la force du hasard s’amusent à plastronner et à nous pomper l’air dans les salons de la condescendance. A chacune de nos rencontres, Gandhi qui était pourtant mon aîné, m’appelait humblement « mon ami ». Hélas, je n’entendrai plus le son posé de ta voix. Que le Bon Dieu t’accueille dans son paradis.
Saliou Samb
Talking Timbuctu est le 7è album d’Ali Farka Touré que le musicien a sorti 1994 avec Ray Cooder, sous le label World Circuit. L’album a reçu l’année même de sa sortie un Grammy Award aux Etats-Unis. Un des morceaux de l’album « Aid Du » est une des musiques phare du film Unfaithful (infidèle) avec le grand Richard Gere et Diane Lane
Avec MediaGuinee