Centre E-Learning de Guinée: « Qui bat en instruction vous battra sur le reste de la vie», dixit M. Yala Diakité
Le Coordinateur Général du centre de formation E-Learning de Guinée sis à l’université Gamal Abdel Nasser de Conakry, M. Yala Diakité, a accordé le week-end dernier une interview à votre quotidien en ligne guinnenouvelles.com.
Dans cet entretien, il a fait le diagnostic général dudit centre, mais aussi donne son avis sur le système éducatif guinéen. Lisez.
Guineenouvelles.com : C’est quoi le Centre E-Learning ? D’où est venue l’idée de sa création ?
Le Centre E-Learning de Guinée, c’est une ruelle de l’Université indienne. C’est-à-dire une déportation d’une partie des universités indiennes en République de Guinée. E-Learning veux dire unité de raccordement à distance. C’est un système d’enseignement à distance par le système de vidéo-conférence avec des équipements de dernières générations.
L’idée de création est venue de l’ex-président de l’Inde, Dr. Abdul Kalam AJP, qui était venu à un sommet de l’Union Africaine à Johannesburg en 2004. Vous savez que l’Inde s’inscrit aujourd’hui sur la ligne des pays émergeants. Il y avait 21 ans passés, l’Inde était l’un des pays les plus pauvres de la planète. Avec l’initiative de Dr. Abdul Kalam AJP, l’Inde est devenue un pays émergeant. Pour cela, Dr. Abdul Kalam AJP a initié trois grands projets.
Le projet concernant la Télé éducation, le projet la Télémédecine et le projet de la diplomatie. Il est parti de ces trois projets pour changer la donne. Qu’est-ce qu’il s’est se dit ? Il dit : «un pays dont la population n’est pas en bonne santé, ne peut pas produire mieux».
Donc son premier volet du projet a concerné la télémédecine. Vous savez aussi qu’à ce niveau, il y a une disparité au niveau de la distribution des soins de santé. Exemple : Conakry étant la capitale de la Guinée bénéficie plus facilement des soins les mieux adéquats par rapport à Yomou qui se trouve à la frontière, très au sud du pays.
Les ‘’Docteurs’’ qu’on peut trouver à Conakry, vous êtes d’accord avec moi qu’on ne peut pas trouver les mêmes à Yomou. Les produits pharmaceutiques qu’on peut trouver à Conakry, ce n’est pas facile de trouver ces produits à Yomou. Donc il y a une disparité au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la capitale. Au fur et à mesure, il y a des difficultés à apporter les soins à la population. Donc c’est l’idée-là qui a animé Dr. Abdul Kalam. Il s’est dit qu’il fera de telle sorte que les soins de santé qu’on peut trouver dans les capitales soient les mêmes que dans les régions et les villages. Donc, c’est pourquoi il a proposé la télémédecine.
C’est-à-dire qu’à partir des équipements de dernières générations, on peut mettre au niveau des villages le système de télé-santé. C’est-à-dire des équipements mobiles, des médicaments avec des docteurs qui se déplacent et vont dans les villages avec la connectivité.
Le docteur dans le village appelé ‘’le docteur clef’’ peut à partir du docteur qui est en centre-ville essayer de faire les diagnostics sur les malades et apporter des soins nécessaires. C’est cela qu’on appel la télésanté.
C’est les mêmes projets. A partir de la télé-éducation, vous êtes d’accord avec moi que c’est à Conakry qu’on peut trouver les meilleures bibliothèques, les meilleures librairies, les meilleurs professeurs par rapport à des régions. A ce niveau, il y a une disparité aussi. Donc comment on peut distribuer les bénéfices de l’enseignement au niveau des coins les plus reculés. C’est là où est venue l’idée de la télé-éducation. Aujourd’hui, nos professeurs se trouvent en Inde, ils ouvrent les classes là-bas dont nous avons la possibilité sur ici place de recevoir les cours venant de ces universités sans que nos étudiants se déplacent pour aller en Inde.
Ce système là est appelé la télé éducation. Si vous demandez comment est venue l’idée de création c’est bien venue de docteur Abdul kalam qui a donné l’idée aux africains et les a laissés le soin d’analyser (pendant 2004 à 2006) le projet en profondeur. Que si les chefs d’Etats membres de l’Union Africaine sont d’accords, ils signent le partenariat avec l’Inde.
C’est à partir de 2006 que les premiers protocoles d’accord ont été signés et en 2009 l’Inde a commencé l’installation des équipements partout en Afrique. Aujourd’hui, 52 pays membres de l’Union Africaine sont connexités à ce réseau et nous recevons les mêmes cours à partir de ces universités indiennes.
Comment ce centre fonctionne ?
Le centre E-Learning fonctionne de la manière suivante: après l’installation des équipements, il était question de mettre une équipe de gouvernance qui devrait piloter le projet au niveau de l’éducation.
C’est ainsi que j’ai été détaché du ministère des Postes et télécommunications pour veiller à l’exploitation du projet sur le plan technique. Quand je suis venu, on a commencé à exploiter le réseau et mon rôle devrait être chaque jour de s’assurer de la connexion de nos classes aux classes indiennes de l’autre côté.
Mais vous savez, l’Inde est un pays dont la langue officielle est l’anglais. Donc l’anglais a été un facteur très gênant pour les autorités de l’université Gamal Abdel Nasser. Le rectorat a d’abord mis une équipe à ma disposition, une équipe avec laquelle je travaille. Je m’occupe du volet technique et l’équipe là s’occupe du volet pédagogique.
Mais, ils ce sont heurtés à un problème d’anglais. Ce qui a causé une démotivation à leur niveau. Donc j’étais obligé d’être au four et au moulin pour que le projet ne tombe pas. Je me suis érigé en pédagogue que j’ai appris ici. Aujourd’hui, je joue ces deux rôles. Le côté technique, c’est la connectivité avec les universités indiennes. Du côté pédagogique, c’est comment est-ce qu’il faut recruter les étudiants ? Comment est-ce qu’il faut soumettre leurs dossiers liés aux universités indiennes ? Comment est-ce qu’il faut organiser les examens ? Et ainsi de suite. Donc on a vu que si on restait dans la démotivation, là où nous sommes aujourd’hui, le projet n’allait pas être là.
Donc puisque ces gens les désignés par l’université dans le projet ne maîtrisent pas l’anglais, par conséquent, ils étaient obligés de s’adapter petit à petit. Finalement, nous sommes restés et nous avons pris la relève.
Donc le centre fonctionne ainsi. A sa tête, il y a un coordinateur général dont je suis, il y a un assistant du coordinateur, il y a les professeurs titulaires de l’anglais, il y a un assistant du côté des relations extérieures, ainsi de suite. Plus la dame qui est chargée de faire le nettoyage du centre.
Si vous remarquez, nous avons principalement deux grandes catégories de formation. Il y a d’abord l’anglais des professeurs qui donnent les cours de l’autre côté ne donnent que des cours en anglais. On a eu l’idée de créer un centre en anglais pour rehausser le niveau des apprenants avant de postuler pour les cours en inde. Donc à ce niveau, nous avons recruté des professeurs de talents qui donnent des cours d’anglais en six mois.
Donc, ces cours d’anglais doivent concerner tout le monde. Il n’y a pas une cible privilégiée à ce niveau, les étudiants en classe, les ouvriers dans les entreprises, les travailleurs au niveau de l’administration…N’importe qui peut prendre ces cours d’anglais. A ce niveau, on peut prendre tout le monde.
La deuxième catégorie de programme que nous donnons, ce sont ces programmes de certification au niveau de l’Inde. C‘est-à-dire les certificats, les masters, les licences que les universités indiennes donnent généralement dans ces trois programmes.
Si c’est les programmes de certification, cela concerne les ouvriers, surtout ceux qui veulent des programmes de courte durée : 3 mois, 6 mois, 1 an. En dehors de ça, il y a des programmes de bachelor que vous appelez généralement licences. Ça, c’est des formations classiques. La durée est de 3 ans. Ce programme concerne tout les bacheliers de chez nous. C’est-à-dire ceux qui ont déjà obtenu le bac et qui veulent une spécialisation à l’université. Donc ils peuvent prendre programme.
Le troisième programme, c’est le programme de master pour ceux qui ont déjà un cursus universitaire complet. Ils peuvent continuer à obtenir leur master. Donc vous verrez que même les travailleurs, à ce niveau, qui se sont limités à la licence peuvent continuer les formations en obtenant les masters dans ces universités.
Si mes souvenirs sont bons, ce centre a reçu un prix d’appréciation courant 2015. Expliquez-nous un peu ce prix ?
On a décroché trois médailles du côté de l’Inde et ça a été vraiment une fierté pour nous. Parce que nous étions en expérimentation du système de E-Learning en Guinée. Et nous, notre expérimentation nous a permis de décrocher trois médailles. Cela veut dire quelque part que ce que nous sommes en train de faire est sur le bon chemin.
Ces étudiants de l’année scolaire 2014 -2015 ont achevé leur examen en 2015 et sur ces trois programmes il y a eu 10 qui ont été certifiés. Et sur les 10, il y a eu trois qui ont des médailles. Donc au mois de novembre passé, je suis allé en Inde pour envoyer leur diplôme. A ma grande surprise, j’ai trouvé qu’il avait trois médailles pour la Guinée.
L’ambassade de Guinée en Inde avait envoyé sa représentante du nom de Mme Tall qui est venue assister à la remise des diplômes et médailles à l’université Amedi.
Lors d’une conférence de presse, le Président de la République a insisté sur la création des centres de formations et d’apprentissages, quel est votre avis ?
Je pense que qui parle le développement d’un pays doit forcément parler des ressources humaines. Si on n’a pas une ressource humaine qualifiée, on ne doit pas du tout s’attendre à un développement. Donc si le présidant de la République s’inscrit sur la ligne là, moi je pense que c’est une bonne chose. Surtout que la Guinée, aujourd’hui, est un terrain vierge où nous avons à exploiter toutes nos ressources du sol, du sous-sol. Et exploiter aussi notre climat, notre environnement, développer l’agriculture, les industries. On ne peut développer ses industries, l’agriculture, l’environnement que si nous avons les ressources humaines qualifiées.
Alors que si vous voyez, aujourd’hui, il y a une disparité, ou s’il faut, une inadéquation entre les profils de formations et les emplois sur le terrain. Donc la création des centres de formations va combler ce vide. C’est-à-dire, désormais dans ces centres de formation, il va falloir que les programmes soient adaptés au mode de l’emploi.
Vraiment, c’est une bonne chose. Nous ne pouvons qu’accompagner ça et encourager le Président de la République à continuer sur cette lancée. Seule l’instruction peut faire développer un pays.
Etant Directeur dudit centre, quelles sont vos perspectives pour cette année ?
Vous savez, il est très facile d’occuper le premier rang. Mais, il est très difficile de conserver sa position, c’est-à-dire de premier rang. L’année 2015 a été l’année de la Guinée en Inde. Déjà, nous avons été le seul pays à décrocher trois médailles. Donc nous devons travailler de telle sorte que ce résultat là ne baisse pas.
Pour cela, il faut recruter un maximum d’étudiants, encadrer mieux ces étudiants-là, organiser mieux les examens, il faut une réelle motivation. Et l’lorsque nous recrutons mieux, nous encadrons mieux, nous préparons mieux les examens.
Il n’y a pas de quoi que nous ne pouvons encore décrocher des prix l’année prochaine. Donc les perspectives, c’est comment maintenir notre position de premier d’un côté, et de l’autre, c’est que quand je suis allé en Inde au mois de novembre passé, je recevais beaucoup de questions ici, par rapport à un certains nombres de postulants qui disent : ‘’M. Diakité, moi je veux être détaché de ma famille pour aller me concentré mieux. Donc ces gens-là venaient demander si on pouvait avoir des bourses pour eux. Pour qu’ils se déplacent pour aller étudier en Inde. Donc j’ai développé cette coopération. J’ai eu des partenaires aujourd’hui très crédibles qui ont accepté, des universités privée et publiques qui ont accepté de recevoir nos étudiants en Inde.
Quand je suis revenu, ils ont envoyé un expert au mois de décembre. Nous avions tenu la conférence de presse dans la salle de l’université. Le public guinéen a été informé en partie de l’existence des bourses dans nos locaux. Donc nous avons commencé à postuler dans ce sens. Aujourd’hui on a au moins une dizaine d’étudiants qui doivent rallier l’Inde au courant du mois de mars. Déjà quatre sont arrivés en Inde ce matin même. J’ai communiqué avec les deux derniers qui sont arrivés, ils sont placés dans ces universités en Inde.
Dans les perspectives, nous allons beaucoup insister sur cela pour que nous ayons un maximum d’étudiants aussi sur place et que les universités indiennes continuent leur cursus.
Comment est ce qu’il faut propager cette information au public ? Comment est-ce qu’il faut recruter un maximum d’étudiants dans ce sens ? Parce que l’inde devient la métropole scientifique. Et c’est le numéro un aujourd’hui en nouvelle technologie et placée directement après un certains nombre de pays dans le domaine de la santé. Donc si nos étudiants peuvent aller développer leur savoir dans ce volet là, ce sont des perspectives que nous voulons développer.
Selon un sondage d’opinion réalisé par Afrobaromettre, le système éducatif guinéen est gangrené par une corruption qui ne dit pas son nom. Quel est votre avis ?
C’est vrai ! Quand vous sillonnez un peu les écoles, vous trouverez que ce système de corruption est là. Il y a eu un effort qui a été déployé, mais ça continue. Je suis victime de cela plusieurs fois. Il y a des étudiants qui viennent, avec des notes qui sont prédéfinies pour décrocher ces bourses. Pas mal d’étudiants qui viennent demander ‘’M. Diakité je n’ai pas la moyenne, est-ce qu’on peut arranger’’, j’entends ça souvent. C’est-à- dire que ça existe encore. Parce que si ces étudiants posent la question ‘’est-ce qu’on peut arranger pour que j’ai une moyenne plus grande’’ pour décrocher telle ou telle, cela veut dire que la corruption continue.
Moi, je pense que la solution pour mettre fin à la corruption, c’est le déploiement à l’exploitation des nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC). Une fois que cela est développé, avec le système E-Learning, ces professeurs sont de l’autre côté et qu’ils ne les voient pas physiquement. C’est virtuellement que tu peux voir tes professeurs. Tout ce que vous faites ensemble, c’est les échanges de documents. Je ne sais pas en quoi on peut corrompre ces professeurs par là-bas.
Mais lorsque le professeur est présent sur le terrain et avec la pauvreté qui gangrène le terrain beaucoup plus développé que notre pays, c’est favorable à la corruption. Si l’enseignant n’est pas bien, si l’encadreur n’est pas bien payé, il va de soi que quand un étudiant lui tend quelque chose, il la prendra. Donc pour mettre fin à ça, il faut développer le système E-Learning.
Par exemple, si on a des professeurs pour des studios à Conakry et que les étudiants de l’intérieur apprennent à travers les TIC, c’est très difficile. On ne va pas dire qu’on va mettre fin à la corruption. Mais ça va être réduit sur l’échelle. Donc, la seule manière de contrecarrer la corruption dans l’enseignement ; c’est de passer la main aux TIC.
Quel est votre dernier message ?
Je lance un appel solennel aux Guinéens de croire en ce que le Centre E-Learning de Guinée est en train de faire. Si j’ai bonne mémoire, selon les informations que j’ai reçues, c’est la première fois que le système éducatif guinéen décroche des médailles en or et deux médailles d’argent.
C’est-à-dire qu’il y a un effort reconnu qu’on est en train de faire à l’université. Et l’appel que je leur lance, c’est de venir vers le Centre E-Learning de Guinée. Venir saisir cette opportunité d’avoir des diplômes crédibles sur place et l’opportunité d’être dans ces universités là physiquement pour apprendre. Donc, qui bat en instruction vous battra sur le reste de la vie. Quand on est mieux formé, on produit mieux. Lorsqu’on n’est pas mieux formé, on ne peut pas produire mieux. De croire à la jeunesse parce que nous sommes des jeunes, c’est inadmissible ou c’est incompréhensible pour certains que quand ton est jeune il n’y a pas d’expériences.
Moi, je ne dis pas que c’est faux. Mais je ne partage pas l’avis. Un jeune bien formé peut produire mieux. Parce que le sang est chaud. Il a beaucoup de capacités. J’appelle les jeunes à venir se former, parce que si nos aînés ne veulent pas nous céder la place, c’est parce quelque part, ils se disent qu’on n’a pas la capacité intellectuelle, quitte à nous d’être bien formés pour leur prouver que nous sommes mieux formés pour décrocher de grands postes de responsabilité.
Interview réalisée Zézé Enéma Guilavogui
Tel : 00224 622 34 45 42