Réunion de la Plateforme des régulateurs de l’UEMOA et de la Guinée: Martine Condé affiche ses ambitions à Ouagadougou…
Au niveau étatique, la Guinée n’aura brillé à la 25ème édition du FESPACO que par la seule présence de la présidente de la Haute Autorité de la Communication (HAC). Aucun film guinéen n’est en compétition au Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou. Heureusement que Mme Martine Condé, est bien partie pour faire parler, positivement, de la Guinée dans la capitale burkinabé, à travers sa très probable désignation, le 2 mars prochain, à la tête de la ‘’Plate-forme des régulateurs de l’audiovisuel des pays membres de l’UEMOA et de la Guinée’’. En tout cas, les textes réglementaires militent nettement en faveur de la vice-présidente du bureau sortant de cette Plateforme sous-régionale. Depuis Ouagadougou, au Burkina Faso, entretien à cœur ouvert avec Mme Martine Condé. Lisez !
Vous étiez présente à la tribune officielle du Stade municipal de Ouagadougou, à l’occasion du coup d’envoi de la 25ème édition du FESPACO. Au regard de vos liens avec le cinéma et le Burkina Faso, vous n’aviez pas l’air dépaysée…
Mme Martine Condé : Vous avez raison. Et, je dois vous dire que je suis très contente d’être là. Mais, je tiens tout d’abord à préciser que je suis venue à cette 25ème édition du FESPACO, en compagnie de la Commissaire de la HAC chargée de la formation, Mme Barry Hawa Camille Camara, puisque le thème de cette biennale est : ‘’Formation et métiers du cinéma et de l’audiovisuel’’. En tant que membre du Bureau exécutif de l’URTELGUI (Union des radiodiffusions et télévisions libres de Guinée), qui est l’association des médias audiovisuels de notre pays, votre personne a été désignée pour m’accompagner à ce FESPACO.
Alors, en ce qui me concerne, vous n’êtes pas sans savoir que je suis une professionnelle de la communication institutionnelle. Mais, j’ai également joué un rôle important dans le développement du cinéma africain. Après mes études au Canada, je suis venue vivre au Burkina Faso en compagnie de mon mari. Une fois dans ce pays, je me suis aussitôt impliquée dans l’activité cinématographique, en organisant, par exemple, les deux premières éditions du MICA (Marché international du cinéma et de la télévision africains). C’est un évènement qui se tient à l’occasion de chaque FESPACO, et dont c’est la 18ème édition cette année. J’ai également réalisé de nombreux films-documentaires ici, au Burkina Faso. D’ailleurs, je continue d’écrire des scénarii de films que mon fils, devenu lui-aussi acteur du cinéma, produit et réalise actuellement.
Alors, votre présence à Ouagadougou obéit-elle à un agenda particulier à l’occasion de ce FESPACO ?
En effet, ma présence à cette 25ème édition du FESPACO, fait suite à l’invitation qui m’a été adressée par mon homologue du Burkina Faso, la présidente du Conseil Supérieur de la Communication (CSC). Depuis quelques années, à chaque FESPACO, le Burkina Faso invite le Réseau africain des régulateurs des médias. Mais, cette année, les autorités du Burkina Faso ont convié les présidents de la structure sous régionale appelée ‘’Plate-forme des régulateurs de l’audiovisuel des pays membres de l’UEMOA et de la Guinée’’. Il est vrai que la Guinée ne fait pas partie de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Toutefois, lors de la création de cette Plateforme, en 2013, j’ai réussi à convaincre mes homologues que la Guinée y avait toute sa place, en tant que pays francophone de l’Afrique de l’ouest. Grâce à mon plaidoyer, la Guinée y a adhéré et sa présence a été mise en exergue à travers la dénomination de la Plateforme. Ainsi, la première présidence de cette structure a été assurée par le Burkina Faso, avec la vice-présidence du Togo.
Comme le prévoient les textes statutaires de la Plateforme, le pays assurant la vice-présidence de la structure, en prend la présidence au mandat suivant. Donc, c’est le Togo qui a hérité de la présidence en décembre 2014, lors du renouvellement du Bureau exécutif de la plateforme à Abidjan. A cette occasion, la Guinée en a obtenu la vice-présidence à travers mon élection à ce poste. Le mandat du Togo à la tête de la Plateforme a expiré en décembre 2016. Autant dire que, logiquement, c’est la Guinée, à travers ma personne, qui doit prendre la présidence de la Plate-forme des régulateurs de l’audiovisuel des pays membres de l’UEMOA et de la Guinée.
Quel est le rôle de cette Plateforme en matière de régulation des médias dans la zone UEMOA et la Guinée ?
L’objectif de la création de cette Plateforme, vise à rassembler les pays-membres au sein d’une même structure devant leur permettre d’échanger sur le secteur de l’audiovisuel. Nous inscrivons dans notre lutte la recherche de voies et moyens pour renforcer la formation des professionnels de l’audiovisuel. A travers cette plateforme, nous avons pu nous rendre compte que la question de l’archivage reste l’une des faiblesses du secteur de l’audiovisuel dans nos pays.
La culture de l’oralité étant prédominante dans notre espace, le stockage de nos productions devient essentiel pour la conservation de la mémoire de nos sociétés. Le constat montre que les images et les sons disparaissent souvent par manque de moyens efficaces d’archivage des productions. Cette plateforme doit donc trouver des solutions à même de résoudre cette épineuse question d’archives audiovisuelles.
A cet effet, la Haute Autorité de la Communication de la Guinée, se propose d’organiser très bientôt une rencontre à Conakry, pour examiner, avec les autres institutions de régulation, cette problématique d’archivage dans nos pays. Nous avons pris part à un séminaire sur l’archivage, organisé en 2016 au Maroc. J’avais d’ailleurs demandé publiquement que ce séminaire soit restitué au niveau local par l’ensemble des pays participants. Pour cette restitution prévue en Guinée, nous avons d’ailleurs sollicité la présence à Conakry du Secrétariat exécutif de la Plateforme, qui est assuré par la HACA de la Côte d’Ivoire présidée par M. SySavané, qui est également le président du Réseau francophone des régulateurs de l’audiovisuel. Si vous me voyez insisté sur cette question d’archivage, c’est parce que c’est une réalité qui frappe de plein fouet l’audiovisuel guinéen. La plupart des images d’archives que nous avons au niveau des médias d’Etat sont altérées à cause de la mauvaise conservation. Pire, aujourd’hui, il y a des évènements importants de l’histoire contemporaine de notre pays qui sont sans traces.
En marge de ce FESPACO, vous devez donc être portée à la tête de cette Plateforme de régulation sous régionale. A part l’archivage, quels sont les autres chantiers que vous comptez ouvrir au cours de votre probable prochain mandat de deux ans ?
Effectivement, conformément au Statut de la Plateforme, mes pairs doivent confier la présidence des deux prochaines années à la Guinée. Conséquemment, avant de venir ici, le Collège de la HAC a réfléchi à une feuille de route dont la réalisation contribuera à faire avancer l’audiovisuel dans nos pays. Nous allons soumettre cette feuille de route à mes homologues de la Plateforme. Notre objectif principal est de redynamiser cette structure qui a connu des difficultés au cours du mandat précédent, à cause du décès du président de la Plateforme, qui était le président de l’institution de régulation du Togo. Paix à son âme !
Ainsi, parmi les activités que nous avons prévues au cours de notre mandat à venir, il y a la réalisation de l’état des lieux de l’audiovisuel dans les pays-membres. Grâce à un appui de l’Union Européenne, la Guinée a réussi à faire une étude qui a ressorti les atouts, les acquis et les faiblesses de son secteur de l’audiovisuel. Nous comptons faire en sorte que les pays de l’UEMOA et la Guinée se dotent d’un document commun sur l’état des lieux de leurs médias. En plus, au cours de notre prochain mandat, la Guinée pourrait faire partager par ces pays une expérience unique qu’elle a réussi à ancrer dans sa vie démocratique. Il s’agit de la Synergie des radios et des télévisions, qui se déroule à chaque élection et, qui a commencé depuis les deux tours de l’élection présidentielle de 2010. Lors de la présidentielle d’octobre 2015, nous avions reçu en Guinée le président de l’instance de régulation du Niger. Il avait trouvé cette expérience très intéressante. Nous souhaiterions démultiplier ce savoir-faire guinéen au niveau des autres pays de la Plateforme. Durant ces deux ans de mandat, notre structure sous régionale aura donc du travail. Je dois rappeler d’ailleurs que nous sommes dans deux autres entités que sont : le Réseau africain des régulateurs et le Réseau francophone des régulateurs de médias.
Tous les objectifs cités plus haut ne peuvent être atteints sans l’accompagnement résolu de l’Etat guinéen. Et le bât pourrait blesser à ce niveau. Qu’en dites-vous ?
J’espère que l’Etat nous facilitera la tâche à travers un accompagnement conséquent. Déjà, nous serons forts du soutien des médias guinéens et de l’adhésion de l’ensemble du Collège de la HAC pour réaliser cette mission. Nous espérons donc bénéficier de l’accompagnement de l’Etat. En effet, nous allons nous donner les moyens, y compris en prévoyant une ligne dans le budget de fonctionnement de la Haute Autorité de la Communication. Nous écrirons au ministère des Finances pour le sensibiliser à cela.
Nous comptons également sur l’appui des partenaires au développement qui déjà, nous accompagnent dans de nombreux projets de l’institution. Dès que ces partenaires voient l’utilité d’un projet, ils n’hésitent pas à mettre à disposition les moyens d’appui pour sa réalisation. L’une des preuves de cette disponibilité des partenaires bi et multilatéraux, c’est leur implication dans le projet de mise en place d’un dispositif de monitoring par internet des médias audiovisuels guinéens. Le monitoring par internet est une innovation de la Guinée, qui permettra à la HAC d’écouter par internet l’ensemble des radios implantées sur le territoire national. Ainsi, à partir de la salle de monitoring de la HAC, on pourra écouter une radio qui émet dans la zone la plus reculée de la Guinée. Au cours de ces deux ans, cette expérience guinéenne pourrait également être élargie à l’ensemble des pays-membres de notre Plateforme. Tout cela doit permettre à la Guinée de réaliser un bilan positif à la tête de cette faîtière sous régionale des régulateurs.
Interview réalisée par
Talibé Barry
Depuis Ouagadougou