Alpha Condé sur l’africanisation de la démocratie: On le voit venir (Le Pays)
A l’occasion de son récent séjour sur les bords de la Seine, le président guinéen, Alpha Condé, s’est fendu d’une déclaration qui ne passe pas inaperçue.
En effet, reconnaissant à la démocratie des principes universels, il a néanmoins opiné en faveur de sa tropicalisation. Même si dans l’absolu, l’on ne peut nier l’existence de variantes dans les systèmes démocratiques, le moins que l’on puisse dire, c’est que cette sortie est pour le moins malheureuse. En effet, cette africanisation souhaitée de la démocratie cache mal la sourde guerre que mènent de nombreux chefs d’Etat contre le principe de l’alternance.
Elle est donc la porte ouverte à toutes les manœuvres et autres tripatouillages constitutionnels pour légitimer les pouvoirs à vie dont rêvent de nombreux princes régnants en Afrique.
Et lorsque l’on sait qu’Alpha Condé est le président en exercice de l’Union africaine (UA), l’on imagine aisément que c’est une revendication qu’il porte au nom du syndicat des chefs d’Etat africains. C’est dire que le ciel de la démocratie en Afrique, n’est pas des plus sereins.
La déclaration de Condé est d’autant plus malheureuse qu’elle fait définitivement tomber le masque d’un opposant historique dont le long combat pour la démocratie en Guinée, avait fait école.
«Le pouvoir, dit-on, ne change pas l’homme mais le révèle». C’est donc dire à quel point cette sortie du président guinéen vient décupler les doutes sur les vertus démocratiques d’un homme qui s’était déjà négativement illustré, en se refusant à tout contrôle parlementaire, pour gouverner par décrets pendant tout son premier mandat.
Alpha Condé prépare les esprits à accepter l’idée d’un troisième mandat
Il ne fait plus aucun doute qu’il n’est pas l’homme qui vaincra le signe indien qui a eu raison des opposants africains comme le sénégalais Abdoulaye Wade ou l’ivoirien Laurent Gbagbo, qui, parvenus à la magistrature suprême de leurs pays respectifs, ont développé une addiction maladive au pouvoir.
En tout état de cause, c’est le peuple guinéen qui a du souci à se faire. Car, en faisant une telle sortie, le président Condé confirme les velléités de modification constitutionnelle aux fins de sauter le verrou de la limitation des mandats dont commençait à bruisser son entourage.
On se souvient, en effet, que le simple appel que lui avait adressé le président de la Cour constitutionnelle, Kéléfa Sall, à ne pas «succomber à la mélodie des sirènes révisionnistes», avait suffi à donner la gratouille aux Raspoutine au point que le ministre de la Justice, Cheick Sako, dans une sortie publique, lui avait fait de façon délibérément menaçante, des remontrances.
C’est dire si par cette sortie, Alpha Condé prépare les esprits à accepter l’idée d’un troisième mandat. Le choix de Paris comme lieu pour exprimer ce penchant, de surcroît à moins de deux semaines du premier tour de l’élection présidentielle française, n’est pas anodin.
Non seulement il laisse croire aux Guinéens qu’il a soit l’aval de la France ou qu’il ambitionne de se défaire de la tutelle française dans sa volonté de déroger aux principes universels de la démocratie, mais aussi il prépare par la même occasion, le futur chef de l’Etat français à compter avec ces «démocratures» africaines.
lepays.bf
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