Elhadj Aboubacar Somparé n’est plus: Hommage à un homme d’Etat (Par Abdoulaye Condé)
Né le 31 août 1944 à Dakonta (Boké), Elhadj Aboubacar Somparé, ancien Président de l’Assemblée Nationale a été rappelé, ce jeudi 2 novembre 2017, à ALLAH, NOTRE CRÉATEUR.
Ce décès de celui que je qualifie de D’HOMME D’ÉTAT plonge toute la Nation Guinéenne dans le deuil. La carrière politico-administrative de celui que le feu Président Ahmed Sekou Touré découvre et surnomme, dans les années 60 – 70, « le crack de Labé » où le jeune diplômé de l’université nationale entame sa vie professionnelle comme Directeur régionale de l’éducation illustre la dimension culturelle, la créativité, l’inspiration, les qualités humaines et la forte personnalité d’Aboubacar Somparé. Bref, un doué sinon surdoué respecté.
À Labé où parallèlement à ses fonctions administratives au niveau de l’Éducation, il s’impose rapidement comme l’un des grands animateurs et responsables en vue du Parti-Etat, le PDG. Dans la capitale de la Moyenne Guinée et ses régions ainsi que ses arrondissements même les plus reculés, le jeune cadre, respectueux et intelligent tisse de solides amitiés au sein de la notabilité, des cadres, des élèves et des villageois qu’il gardera durant toute sa vie.
Cette conduite qui dénote un sens du management hors du commun, impressionne davantage le Président Ahmed Sékou Touré qui a désormais pour Aboubacar Somparé, une admiration et une confiance qui ne seront plus jamais démenties jusqu’au 26 mars 1984, date du décès du premier Président Guinéen. C’est dans cette logique qu’il le nomme, en 1976 – 77, Directeur Général de la Radiodiffusion Nationale, une fonction hautement stratégique sous la première République d’autant que son titulaire était pratiquement inséparable du Responsable Suprême de la Révolution. Dans cette première responsabilité de grande portée politique, Aboubacar Somparé dirige et réalise le projet de lancement de la Télévision Guinéenne, le 14 mai 1977.
Ce succès renforce la côte du très compétent haut cadre auprès du Président de la République Ahmed Sékou Touré et du BPN. Ainsi, suite à la réconciliation après des années de brouille, Aboubacar Somparé est nommé, en 1977 – 78, dans la redoutable et sensible fonction d’ambassadeur de Guinée en France. Là, il se fait rapidement remarquer et se dote d’un réseau d’amitiés dans la classe politique française notamment Le Président Jacques Chirac. Il a surtout le mérite de suivre la relance de la coopération Franco-Guinéenne avec le dédommagement de la Guinée dans certains aspects matériels et financiers, d’obtenir la visite du Président Valéry Giscard d’Estaing en Guinée, d’organiser la visite d’État du Président Ahmed Sékou Touré en France.
Après le coup d’État du 03 avril 1984, consécutif au décès du Président Ahmed Sékou Touré le 26 mars de la même année, le CMRN au pouvoir considère Aboubacar Somparé comme le seul symbole rescapé du régime défunt du PDG dont tous les dignitaires étaient mis aux arrêts. Cette perception expliquera et guidera la mauvaise nature des rapports entre le nouveau Président, Lansana Conté et Aboubacar Somparé. Limogé de ses fonctions d’ambassadeur et nommé Conseiller du ministre d’État chargé de la Fonction publique, en l’occurrence, Capitaine Mamadou Baldé à l’époque, Aboubacar Somparé comprends le jeu de la mise à l’écart quand il me confie, non sans ironie, » Conseiller du ministre, je ne vois pas le ministre. »
Mais, le nouveau régime militaire composé de néophytes ne peut dans un pays en crise de ressources humaines ignorer les rares compétences et expériences disponibles. Et, rapidement, Aboubacar Somparé retrouve la haute sphère avec les fonctions d’administrateur du Palais des Nations, en 1985, et celles de Recteur de l’université Gamal Abdel Nasser de Conakry, en 1986. Là, le réflexe d’ancien étudiant l’amène à responsabiliser les étudiants par la mise en place du Comité de Coordination comme le Conseil d’administration.
Le professeur de Mathématiques ouvre les portes de l’université aux spécialistes et experts étrangers venant régulièrement donner des cours, équipe et modernise les laboratoires et instaure un système permanent de Conférences culturelles animées par des sommités intellectuelles de Guinéenne et étrangères ainsi que les ministres du Gouvernement. À travers le 25ème anniversaire qu’il organise, Aboubacar Somparé parvient à fixer le regard du pouvoir sur les problèmes et l’importance de l’université.
Cependant, toujours perçu comme le survivant du régime abattu, Aboubacar Somparé tombe à nouveau dans la disgrâce suite à un mouvement estudiantin réclamant certains droits à l’état en 1989. Repris, la même année, il expérimente le Projet d’ajustement structurel de l’éducation (PASE) et permet à la Guinée de bénéficier de nombreuses infrastructures scolaires financées par les bailleurs de fonds. Son succès à ce niveau n’est pas de bon goût. Pour l’éloigner de la gestion de ces fonds qu’on découvre au PASE, il « bénéficie d’une promotion » comme secrétaire général au ministère de l’administration du territoire en 1991. Une fonction qu’il perd après la légalisation des partis politiques, le 03 avril 1992. Depuis, l’homme s’est engagé dans la politique.
Ainsi, il abandonne son projet de parti et s’associe à des amis poyr fonder le PUP, le parti au service du Président Lansana Conté. Pour l’élection et les réélections de ce président militaire (1993, 1998, 2003), Aboubacar Somparé n’a jamais ses efforts. Mais, le Général Lansana Conté n’a été que peu reconnaissant ou n’a pas aider Aboubacar Somparé comme un partisan. Même la présidence de l’assemblée nationale, Aboubacar Somparé ne l’a arraché que grâce à ses qualités politiques, les choix du Général Lansana Conté étant Saïkou Yaya Baldé et Henry Toffany.
Ces deux personnalités n’ayant pas pu faire le poids pendant le débat interne qui a précédé le choix du candidat du PUP au perchoir, le Président Lansana Conté a abdiqué. Mais, auparavant il avait totalement charcuté la liste initiale du PUP à la députation du 30 juin 2002 en gommant les noms de tous les proches de Somparé. Président de l’assemblée, Aboubacar Somparé, sans être fracassant comme le doyen Biro Diallo, s’est montré défenseur des valeurs comme la libéralisation des ondes, le contrôle de la gestion du gouvernement, l’équilibre des pouvoirs.
Il plaida publiquement et solennellement la libération du Président du RPG, Alpha Condé. Ses discours d’ouverture et de clôture des sessions de l’assemblée étaient toujours des tribunes pour promouvoir la bonne gouvernance. Il n’a jamais milité pour le référendum constitutionnel voulu par le Président Lansana Conté et son entourage en 2001. Par rapport à tous ces agissements visant à lui barrer la succession, il me confia « regretter de constater la méchanceté du Général Lansana Conté ».
Cette méchanceté qui donna naissance au coup d’État du Capitaine Moussa Dadis Camara, 22 décembre 2008, dès après la mort du Général Lansana Conté et plongea Aboubacar Somparé dans la maladie qui vient d’avoir raison de lui.
Il était le mal aimé du Président et du système auquel il est resté loyal, franc et fidèle, surtout objectif. Avec ce décès, la Guinée perd une vraie valeur, un patriote, un Guinéen dans le sens vrai et profond du terme. Un HOMME D’ÉTAT. Dors en paix, mon Recteur. VEUILLE ALLAH, NOTRE CRÉATEUR, t’accueillir dans son éternel paradis. Amen
Abdoulaye Condé, conseiller à GBM