Le musellement des médias privés ou la victoire d’Alpha Condé sur tous les contre-pouvoirs. (Par Amadou Tham Camara)
C’est connu: deux radios privées ont cessé d’émettre ce lundi en Guinée. La faute à un syndicaliste, présenté comme « rebelle »,Aboubacar Soumah, à qui la presse guinéenne a donné la parole malgré une censure présidentielle. Quel sacrilège !
C’est une histoire à dormir debout : les syndicalistes de la centrale USTG ont expliqué à Alpha Condé le samedi dernier que le succès de la grève des enseignants tient au fait que les médias privés relaient les communiqués du « rebelle » Soumah. Mais, Ils ont oublié d’ajouter qu’eux-mêmes n’ont plus aucune popularité et aucune légitimité chez leurs mandants, qui soupçonnent une accointance empreinte de corruption avec le gouvernement. De même, le secrétaire général du SLEG et secrétaire général par intérim El Sy Savané Souleymane de l’USTG a omis de dire à Alpha Condé que le camarade Aboubacar Soumah n’est plus un rebelle à partir du moment où il (Sy Savané) a signé le 23 novembre une déclaration levant sa suspension (ci-contre la déclaration).
A partir de cette date Aboubacar Soumah était redevenu un dirigeant à part entière du mouvement syndical, la déclaration du président le qualifiant, deux jours plus tard, de rebelle n’a ainsi aucune valeur juridique.
Malheureusement, personne n’a eu la présence d’esprit ou le courage de dire cette vérité au président lors de la rencontre tripartite entre syndicat, médias et lui-même le samedi dernier à Sekhoutoureyah.
Une menace présidentielle suivie d’actes de fermeture de radios dans un pays où le caractère pluraliste de l’expression des courants de pensées et d’opinions quoique légal, est le dernier épisode d’une série de faits mettant en danger, depuis un mois, la liberté d’expression en Guinée. Auparavant, des journalistes ont été interpellés, d’autres violentés, d’autres inculpés, des ondes des radios brouillées, des radios averties ou suspendues.
Des faucons subitement légalistes reprochent aux radios ne pas être en règle vis-à-vis de la loi, et jugent les journalistes impudents. Un gouverneur de région ne s’est-il pas enrhumé car son chef a éternué en allant fermer hier une radio à Labé ?
Seulement voilà, tous ces péchés d’Israël de la presse, fussent-ils fondés, existaient et étaient connus avant l’avènement du président Alpha Condé en 2010, pourquoi les exhument-on à deux ans de la fin du régime ? Pourquoi, diantre, maintenant ?
L’opposition ayant été balkanisée, la société civile sclérosée, le syndicat divisé et la presse muselée, quel autre contre-pouvoir se dressera face à Alpha Condé et à ses desseins ?