Conakry: les Guinéennes sur le chemin de l’université
S’il reste très difficile pour ces jeunes Africaines d’accéder aux études supérieures – 30 % d’entre elles accèdent à l’université –, la politique volontariste de Conakry en faveur de l’égalité hommes-femmes encourage le changement.
Rabiatou a 25 ans, un large sourire, un métier, et une conviction chevillée au corps : elle est une exception dans son pays. A sa naissance, dans la province de Lélouma, dans le nord de la Guinée, cette petite fille, qui est la sixième de sa fratrie, n’avait quasiment aucune chance de se retrouver, dix-huit ans après, en licence de journalisme à plusieurs centaines de kilomètres de là, dans la capitale du pays, Conakry.
Il aura fallu toute la force de ses parents, notamment de sa mère, illettrée, et l’aide d’un oncle qui a financé sa scolarité, pour que « Raby » parvienne à s’accrocher à ses études. « Les filles de Guinée doivent comprendre à quel point faire des études est leur seule porte de sortie vers une vie meilleure. J’ai très vite saisi que je devais m’en sortir en ayant un métier, en étant autonome », raconte la jeune fille, qui travaille aujourd’hui comme chargée de communication aux Nations unies.
Le maintien dans une scolarité primaire et secondaire est en soi une difficulté pour les Guinéennes, qui doivent faire face à de nombreuses menaces sur le chemin de l’école. Seules 30 % d’entre elles poursuivent leurs études jusqu’à la faculté.
Stages de perfectionnement
Un pourcentage cependant porteur d’espérance, quand on sait que ce pays est classé onzième parmi les pays les plus pauvres en 2016, et où 37 % des femmes adultes savent lire et écrire correctement, contre 56 % chez les hommes, selon l’Unicef.
« Le moment charnière est le passage au collège, qui coïncide généralement avec la puberté. A partir de là, les jeunes filles doivent éviter beaucoup d’embûches. Le mécanisme du mariage forcé s’active à cette époque. Quand elles arrivent aux études supérieures, c’est un passeport vers l’émancipation », explique Yvan Savy, directeur de l’organisation non gouvernementale Plan international France.
L’éducation est un secteur-clé de l’aide humanitaire dans le pays, mais aussi de la politique de son gouvernement. Ainsi, le ministère de l’éducation supérieure a conclu en 2016 avec les quatre grandes universités publiques guinéennes et Plan international une convention en faveur des étudiantes. Afin de promouvoir la formation supérieure des filles, l’accès à des stages de perfectionnement leur sera garanti par les quatre principales facultés de Conakry.
Comme la majorité des jeunes Guinéennes, Raby a suivi une formation plutôt littéraire à l’université Gamal Abdel Nasser de Conakry en choisissant le journalisme. Droit, psychologie, sociologie… les filières fréquentées par les filles ne sont pas les plus ouvertes sur le marché du travail. Les étudiantes sont presque inexistantes dans les filières scientifiques. C’est aussi sur cet aspect que veulent influer les pouvoirs publics guinéens en mettant en place des campagnes de promotion de ces cursus pour inciter les filles à se diriger vers les universités proposant des formations plus techniques.
Aller jusqu’au bout
Une fois les études commencées, le véritable défi arrive pour ces jeunes femmes : aller jusqu’au bout. En médecine, par exemple, 70 % des étudiantes ne dépassent pas la première année. « En Guinée, les filles se marient jeunes, vers 18, 20 ans. Généralement, la maternité suit, et sans soutien familial, il est impossible à une jeune femme de continuer ses études », regrette Rabiatou qui, à 25 ans, célibataire et sans enfants, se voit comme une messagère de la condition féminine dans son pays. « J’ai eu la chance de faire ce que je voulais, de choisir un métier que j’aime. Je souhaite aujourd’hui aider les jeunes filles et les enfants guinéens », continue-t-elle.
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