Prof Georges Alfred Ki Zerbo: »La sécurité sanitaire est une question complexe… » (OMS-Guinée)
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) est l’institution spécialisée des Nations Unies pour la santé. Fondée le 7 avril 1948, l’OMS dépend directement du Conseil économique et social des Nations unies et son siège est en Genève, en Suisse. Selon sa constitution, l’OMS a pour objectif d’amener tous les peuples du monde au niveau de santé le plus élevé possible, la santéétant définie comme un « état de complet bien-être physique, mental et social et ne consistant pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». Nous accueillons dans la rubrique ‘’INTERNATIONAL’’ de ce numéro, le Professeur Georges Alfred Ki Zerbo, représentant de l’OMS en République de Guinée.
Dans la lutte contre l’Ebola, l’OMS a joué un rôle essentiel en Guinée pour vaincre cette épidémie. Trois années après cette crise, que peut-on dire aujourd’hui de l’état sanitaire du pays ?
Je vais commencer par saluer le leadership qui a été démontré par la Guinée lors de la lutte contre l’épidémie à virus Ebola. Le 4 Mai 2017, la Directrice sortante de L’OMS, Dr Margaret Thiam et la Directrice régionale de l’OMS pour l’Afrique, ont rendu une visite à l’occasion d’une conférence de haut niveau sur Ebola. Cette réunion de haut niveau a constaté les sacrifices, ainsi que les résultats obtenus par la Guinée, et les pays affectés, et toute l’implication de la communauté scientifique et celle du développement, pour éradiquer l’épidémie au cours de laquelle nous avons appris des leçons importantes, notamment celle de l’implication communautaire, essentielle pour le développement sanitaire, aussi bien que pour le développement en général. Nous avons appris également, que la sécurité sanitaire dans chaque communauté, est liée à la sécurité sanitaire au niveau mondial.
Une convention a été ratifiée par la Guinée, pour l’interdiction du trafic de produits illicites. Voilà donc, quelques résultats qui ont été obtenus suite aux leçons tirées de la maladie à virus Ebola mais il reste beaucoup à faire, comme par exemple la couverture vaccinale qui doit être améliorée car, un enfant sur quatre actuellement n’est pas couvert. La mortalité maternelle, reste également une préoccupation. Des plans en train d’être mis en place, avec l’aide de tous les partenaires, avec le Ministère de la Santé, visent à aller plus loin dans ces avancées-là.
Avec ces avancées, peut-on dire aujourd’hui que la Guinée est à l’abri d’éventuelles crises ?
La sécurité sanitaire est une question complexe qui ne dépend pas d’un seul pays ; tous les pays sont reliés entre eux mais la Guinée a fait des efforts conséquents pour renforcer la surveillance des maladies à tous les niveaux surtout celle à base communautaire, en renforçant les enquêtes en cas de rumeur, ou de maladie suspecte. Donc ce réseau-là s’est renforcé mais les épidémies sont une probabilité, et ce qu’il faut faire, c’est de renforcer la résilience pour être capable de les détecter le plus tôt possible et d’y répondre mais sur le long terme, le renforcement de la résilience et du système de santé à tous les niveaux, et l’implication des communautés, peuvent permettre sinon d’éliminer complètement les risques d’épidémie, mais de les Rendre moins probables et d’y répondre à temps pour en atténuer les impacts.
En Guinée, l’OMS est le Chef de file des partenaires techniques et financiers du secteur de la Santé. En quoi consiste ce rôle de chef de file ?
Le rôle de chef de file des partenaires techniques et financiers de la santé, se place dans le cadre de l’harmonisation de l’aide au développement. La déclaration de Paris invite les partenaires au développement à aligner et à harmoniser leurs actions sous le leadership des pays et de leurs autorités. La redevabilité entre les partenaires et les gouvernements est mutuelle. Il est important que, dans chaque secteur, les partenaires harmonisent et coordonnent leurs efforts aux politiques, aux stratégies, aux programmes initiés par le gouvernement. C’est dans ce cadre que l’OMS s’active à aider au dialogue public dans le domaine de la santé, à harmoniser et coordonner des partenaires. Chef de file ne se traduit donc pas au sens de chefferie de dominants à dominés. Nous avons des réunions mensuelles de coordination des partenaires, où nous examinons, avec le département de la Santé et tous les autres départements connexes les questions prioritaires liées à la santé.
Sur quoi repose la stratégie de coopération de l’OMS avec la Guinée pour la période 2016- 2021 ?
Les objectifs et priorités de l’OMS sont clairs ; la sécurité sanitaire, le renforcement et la résilience pour la couverture sanitaire universelle donc quel que soit l’âge, ou le lieu d’habitation, ou le statut économique et social et en particulier les groupes les plus vulnérables. Sur la base de ces principes et de ces valeurs, l’OMS qui est présente en Guinée depuis 1961, développe avec le Gouvernement de la République de Guinée des programmes quinquennaux de coopération, et celui qui est en cours de 2016 à 2021, a pour priorités essentiellement 5 domaines :
-le renforcement du système de santé à tous les niveaux, y compris avec les soins de santé primaire et la politique de santé communautaire qui est un programme phare du Ministère de la Santé ;
-le renforcement du système de santé pour le rendre résiliant afin que nous n’ayons plus de chocs similaires à ceux connus pendant la maladie à virus Ebola ;
-Protection de la santé à toutes les étapes de la vie : -santé maternelle, -santé néonatale, -infantile, -juvénile, mais aussi santé des adultes et des personnes âgées ;
-lutte contre les maladies transmissibles, les maladies infectieuses prioritaires comme le paludisme, la tuberculose ou encore le VIH-SIDA, mais aussi les maladies tropicales négligées comme la lèpre, la trypanosomiase appelée aussi maladie du sommeil ; Et nous avons aussi la lutte contre les maladies non transmissibles.
On constate de nos jours qu’il y a plusieurs maladies non transmissibles. Quels en sont les facteurs de risques ?
Il faut savoir que les maladies non transmissibles ne sont pas liées à des microbes mais plutôt à des comportements ou à des facteurs de risques comme le tabac, la consommation excessive de sucre, de sel, l’alimentation malsaine ou alors l’absence d’exercice physique ; ces maladies sont le diabète, l’hypertension, le cancer, l’accident vasculaire cérébral, etc. qui sont en hausse sur la Planète. L’OMS tient un secrétariat des états membres dont elle suit les résolutions à son assemblée mondiale chaque année à son siège de Genève.
Quelle appréciation faites-vous de la politique de santé du Gouvernement ?
L’OMS apprécie les efforts faits par le gouvernement de la République de Guinée pour la mobilisation de ressources domestiques en santé pour arriver à une protection sociale. Les efforts de recrutement de près de 4000 agents de santé cette année, les efforts pour renforcer leurs capacités et aussi les efforts de mobilisation de ressources avec les partenaires extérieurs comme le Fonds mondial de lutte contre le VIH, la tuberculose, le paludisme, l’initiative Gavi vaccins pour tous, sont à saluer. Mais il faut renforcer cette gouvernance du système de santé et établir des plateformes à l’intérieur du système en renforçant les institutions au niveau central afin que le secteur de santé soit bien structuré à tous les niveaux (central, régional préfectoral). Tout ceci s’appuyant sur une base d’agents de santé communautaires bien formés, rémunérés, et au niveau du sommet, le leadership du gouvernement peut s’appliquer pour transformer la santé en un domaine productif.
Je vous remercie.
Source: CCG