Cellou Dalein rend hommage à Abdoulaye Bah : »Pour mourir beau, il faut mourir jeune »
Notre confrère de du site guineenews fauché par un accident tragique a eu droit à des hommages mérités jeudi 21 juin au palais du peuple. L’homme a été vanté dans toute sa dimension: social, ouvert, professionnel, loyal et que sait-on encore. Ici l’hommage du chef de file l’opposition, Cellou Dalein, qui a choisi un mot de Chateaubriand pour résumer la vie du défunt journaliste, mais le discours a été lu par son vice-président, Fodé Oussou Fofana. Lisez:
Feu Abdoulaye Bah
Mesdames, Messieurs,
La République, par le présent symposium, a voulu rendre hommage à Abdoulaye Bah dont les circonstances tragiques du décès ont bouleversé la conscience de la nation. Comment ne déplorerait-elle pas la vie interrompue de cet homme qui, à peine sorti de l’adolescence, avait mis son talent qui ne cessait de grandir au service de sa cohésion ? La nation reconnaît en Abdoulaye Bah un bienfaiteur précoce et c’est pourquoi, par cette cérémonie, elle veut porter son deuil.
Mesdames et Messieurs
Je vais taire ma douleur pour rendre ma part d’hommage à Abdoulaye Bah. Me lamenter ne conviendrait pas pour célébrer la grande mémoire qu’il m’a laissé. Qu’il nous a laissé. Je voudrais dire ici qu’Abdoulaye a été un compagnon. Pendant toutes les campagnes électorales, il a été avec moi. Dans l’inconfort de nos routes, de nos logements, de nos nourritures.
Mais Abdoulaye Bah a su toujours garder son sourire, sa candeur. Parce qu’Abdoulaye est candeur. Il est innocence, presque naïveté portée par un fragile corps d’adulte. Sourire aux lèvres, rire à chaque battement de cils que la vie lui offrait, comme s’il se doutait que le Seigneur ne lui laisserait pas le temps de distribuer sa bonne humeur dans un pays rendu nerveux par la quête difficile du quotidien.
Le dernier anniversaire d’Abdoulaye, il a fêté un bout avec moi. Je revois encore cette petite lumière qui fuyait de son regard timide pendant que je lui tenais la main en lui chantant joyeux anniversaire. Abdoulaye n’était plus un simple journaliste pour moi. La rigueur dans son travail, l’amour de son métier, l’abnégation à l’exercer dans la droiture, la dignité, la probité ont créé entre nous un lien solide de respect. Certains le savent : ma relation avec Abdoulaye lui a valu des critiques, au point qu’on est allé jusqu’à remettre en question son professionnalisme. Mais jamais l’honnêteté ne se laisse traîner dans l’infecte boue de la suspicion. Toujours elle reste fière, entière, altière. La franchise, l’éthique et la déontologie ont habité chaque mot, chaque lettre, chaque virgule de ses articles.
Il y a des hommes dont le caractère trempé transcende tous les clivages. Et la sincérité qui respire dans leurs actes ne laisse aucun doute quant à leur volonté de défendre la vérité. Abdoulaye Bah fait partie de cette poignée d’hommes dont la pureté du cœur ne s’embarrasse pas de préoccupations subjectives, parce qu’il sait être en paix avec sa conscience, avec les valeurs que lui ont transmis ses ancêtres. Lorsqu’on regarde le parcours d’Abdoulaye, lorsqu’on lit ses articles d’investigations, ses chroniques humoristiques et décalées qui ont révélé à tous ses capacités d’imagination et de créativité, ses talents de manieur d’ironie, de dérision, d’autodérision, lorsqu’on regarde les distinctions qu’il a obtenues, les multiples déplacements qu’il a effectués pour couvrir des événements, une seule conclusion s’impose : Abdoulaye Bah est un professionnel qui ne saurait souffrir d’un quelconque soupçon de corruption de sa plume.
Abdoulaye Bah, c’est aussi l’incarnation de la loyauté, de la fidélité. Fidèle en amitié, fidèle à sa profession, fidèle à Guineenews, le médium qui l’a révélé. Par dessus tout, il a été un homme des causes et non de partis. Viscéralement attaché à l’Etat de droit et à la justice pour sa corporation, pour tous les citoyens.
Mesdames et messieurs,
Je voudrais apporter l’hommage de mon respect et de ma douleur à son épouse qui a partagé, allégé les fatigues de son métier, égayé les jours où ses talents ont été récompensés et soutenu son moral dans les moments de doutes. Madame Bah Nen Mariama Louise votre douleur est la notre. Elle est celle de toute la corporation et singulièrement celle de M. Tham et du personnel de Guinéenews. C’est la douleur de la Guinée qui a perdu un de ses fils porteurs de son espérance.
Consolons nous par ce mot de Chateaubriand « Pour mourir beau, il faut mourir jeune ». La beauté du corps et de l’âme de la jeunesse. Comme celle d’Abdoulaye Bah. Belle âme, dors en paix et laisse moi te bercer par le couple de mots qui était au cœur de nos longues conversations : République et Justice.
Conakry le 21 Juin 2018
Cellou Dalein Diallo