Mamou: un haut cadre des Eaux et Forêts mis aux arrêts…
Mr Mamadou Dia, fonctionnaire d’Etat et Chef de Division Faune à la Direction Nationale des Eaux a été interpellé ce lundi 22 octobre 2018 par la DPJ et le bureau d’INTERPOL avec le soutien de GALF (Guinée Application de la Loi Faunique). Incarcéré aujourd’hui, il faisait l’objet d’un mandat d’amener décerné par le Tribunal de Première Instance (TPI) de Mamou et serait impliqué dans une scandaleuse affaire de criminalité faunique.
Selon nos informations, l’histoire remonte en septembre dernier quand M. Mohamed Camara a été mis aux arrêts le 20 septembre 2018 dans une mystérieuse réserve de chasse située à Sabouya dans la préfecture de Mamou avec des trophées d’animaux protégés en l’occurrence des bongos, buffle et autres. En plus de ces trophées, des armes à feu de chasse professionnelle hautement sophistiquées ont été également saisies dans cette réserve par les agents de la gendarmerie, de l’Office guinéen des parcs et réserves avec le soutien de GALF. Il sera conduit à Mamou pour être entendu par le Procureur qui finira par orienter l’affaire en instruction. Cette réserve de chasse, établit secrètement, n’était pas connue des autorités compétentes et de la communauté internationale qui s’active dans le domaine.
Devant le parquet du TPI de Mamou, M. Camara a dénoncé un ressortissant espagnol du nom de Carlos Corces i Bustamante comme étant le propriétaire de la Réserve et des armes en mentionnant que lui n’est que son employé. C’est à la suite de cette dénonciation qu’un mandat d’amener a été délivré par le juge d’instruction en charge du dossier contre Carlos Corces, qui a été mis aux arrêts le 22 septembre 2018 à Room sur les îles de Loos. Il sera conduit à Mamou et placé sous mandat de dépôt par le juge, afin de mener des enquêtes et mieux analyser ce dossier hautement sensible impliquant certains fonctionnaires complices au sein de l’Etat. Carlos Corces a été inculpé pour détention illégale d’arme, abattage d’espèces animales protégées, détention et circulation de trophées d’espèces intégralement protégées. Mohamed Camara et Carlos Corces sont actuellement en détention à la prison civile de Mamou depuis le rebondissement de cette affaire.
C’est au cours de l’instruction que le juge en charge du dossier a fini par décerner un mandat d’amener contre M. Mamadou Dia, chef de Division Faune à la Direction Nationale des Eaux et Forêts. Il est soupçonné d’être le signataire du contrat de location et d’amodiation de la réserve donnant autorisation à Carlos Corces d’organiser des safaris de chasse dans cette réserve avec des clients étrangers, chasseurs professionnels, qui venaient régulièrement et pendant des années pour abattre des espèces animales intégralement protégées en toute violation de la loi nationale et aussi de la Convention CITES.
A en croire nos sources, un territoire de 25.000 hectares avait été amodié de manière irrégulière en 2016 pour en faire une réserve de chasse dans une région reculée du pays, très riche en faune, où Carlos Corces organisait des expéditions de chasse pour des chasseurs aux trophées du monde entier, américains, russes, européens, sans respect des règles. Il semble que depuis 2005 Corces exerçait la chasse de manière irrégulière sur ce territoire. Pire, indiquent les mêmes sources, la réserve de chasse a été établie avec la complicité de certains officiers hauts gradés, bien cachée des projecteurs des hautes autorités, qui ne savaient pas qu’elle existait. Ses clients et lui chassaient de manière illégale des éléphants, des bongos, des hippopotames, des léopards et d’autres espèces intégralement protégées par la loi guinéenne, parfois même en utilisant des méthodes cruelles, comme des arcs et des flèches.
Bien que la chasse à l’éléphant est totalement interdite en Guinée, Carlos Corces diffusait ouvertement des annonces sur des sites web américains comme « Book your Hunt » dédiés à la chasse aux trophées pour promouvoir ses chasses à l’éléphant dans la réserve, et il affiché sur ces sites un prix de 5000 dollars pour abattre un éléphant, 3000 dollars pour une panthère, 5000 dollars pour abattre un bongo, 1800 dollars pour un hippopotame alors que ces espèces sont toutes intégralement protégées par la loi guinéenne. Ces clients devaient aussi s’acquitter d’un prix affiché à 2500 dollars pour obtenir une licence spéciale pour l’abattage d’éléphant, hyppo et panthère, des licences qu’il n’avait pas compétence à délivrer. Il y proposait aussi une multitude d’autres espèces partiellement protégées. Dia se rend complice de l’abattage de ces espèces menacées et protégées par la loi. Carlos aurait trimestriellement versé des sommes d’argent à M. Dia durant des années au compte de ce contrat d’amodiation entaché de fraude. Il appartiendra à M. Dia d’apporter les preuves à sa défense devant le juge. En attendant, M. Dia a été placé sous mandat de dépôt et incarcéré à la prison centrale de Mamou.
Pour mémoire, la Guinée est présentée comme une plaque tournante du trafic international des espèces sauvages et est toujours sous sanction par la Convention Internationale sur le Commerce des Espèces de faune et de flore sauvage menacée d’extinction (CITES).
En effet, l’ancien chef de la CITES en Guinée, Ansoumane Doumbouya, autorité corrompue en poste au Ministère de l’Environnement, avait été arrêté en 2015 et condamné à 18 mois de prison pour sa complicité avec les réseaux internationaux de trafiquants à qui il avait délivré durant des années des permis CITES contre de l’argent pour exporter des espèces protégées. Plus de 130 grands singes, chimpanzés, gorilles et bonobos, et des milliers d’autres animaux avaient été exporté illégalement avec des permis frauduleux délivrés par A. Doumbouya.
C’est donc la seconde fois qu’un haut fonctionnaire de l’Environnement est arrêté pour de tels faits, et il faut espérer que la sanction infligée par la Justice sera exemplaire.
Il faut rappeler que le trafic d’espèces est un crime organisé transnational. Il représente le 5ème commerce illégal le plus important au monde amassant plus de 20 milliards de dollars chaque année.
Affaire à suivre !
Fatou Kourouma de GALF(Guinée Application de la Loi Faunique) du Réseau EAGLE NETWORK)