Vœu de nouvel élan panafricain : l’Afrique, un interlocuteur recherché par toutes les puissances (Moussa Kanté)
Moussa Kanté est doctorant géographe-politiste, chercheur à l’école doctorale des sciences de l’homme et de la société (EDSHS) de l’université Gaston Berger de St Louis (UGB), membre du groupe de recherche « Les EDIFICATIONS». Militant panafricain, il fit partie en 2009 des chercheurs conviés par le ministère des affaires étrangères sénégalaises et l’université de Dakar au symposium international de Dakar pour penser les Etats unis d’Afrique.
L’Afrique dans le monde, aujourd’hui :
Dans un monde sous tourbillon voire de redistribution des cartes. L’Afrique est aujourd’hui un interlocuteur recherché par toutes les puissances ou grandes entités mondiales, cela pour diverses raisons : «du besoin mondial multiforme d’Afrique et du besoin d’intégration et d’intelligence économique africaine» (Kanté, FESMAN, 2010). La mondialisation ou globalisation a fait du globe un village planétaire, avec une interrelation, une contagion et ou une connectivité multisectorielle voire à toutes épreuves. En atteste, récemment, la tenue de sommets, notamment, avec certains pays, qui dit on, étaient des plus récalcitrants : Chine-Afrique, Russie-Afrique, Allemagne-Afrique… Aussi avec une élite de plus en plus instruite, l’Afrique bouge. Quoique, les nominations ou qualificatifs de centre et périphérie ; développés, en voie de développement, sous développés pour édifier sur des disparités socio économiques persistantes car des parties du monde comme le continent africain peinent à satisfaire les demandes, disons à trouver l’équilibre entre les perspectives, potentialités et les besoins, aspirations des masses souvent très jeunes. N’empêche, le besoin ou virage d’Afrique ne date pas d’aujourd’hui. En effet, depuis l’histoire, le continent noir a apporté sa pierre à l’édifice universel, parfois, malgré lui (la traite esclavagiste, la colonisation, mais les deux guerres mondiales ont été des recours aux ressources humaines, naturelles, stratégiques…africaines) disons le: on les a tant tirés d’affaire. Et pour que sa cause ne soit pas reléguée aux oubliettes, que sa ‘’pauvreté’’ ne demeure pas un profit pour certains. Surtout que des alibis et autres prétextes racistes et ou ingrats nous ont été servis, le mouvement panafricaniste fut et demeure aux avants gardes. Les panafricains sont donc en phase avec la citation de l’ex ministre sénégalais des affaires étrangères, Dr Cheikh T Gadio : «chaque génération découvre sa mission, la remplit ou la trahit». En effet, l’Afrique de l’avis des politistes, des géographes, selon la logique des économistes, par la raison du droit : unie avec un brassage des peuples, menée par des leaders ancrés, l’Afrique ne sera plus un ‘’fléau’’ mais une plus grande solution. Ces pairs promoteurs, propagateurs des Etats unis d’Afrique, ces panafricanistes sont ou furent entre autres : kwamé Krumah, Soundiatta Keita, Gamal Abdel Nasser, Djibril Tamsir Niane, Iba Der Thiam, Cheikh Anta Diop, Thomas Sankara, M Khadaffi, Molefi Kete Asante, Abdoulaye Wade, Cheikh Tidiane Gadio, Steve Biko, Henry Sylvester Williams, Anténor Firmin, Benito Sylvain, Alioune Diop…
Le panafricanisme, un concept mais une quête toujours d’actualité:
Le panafricanisme est né vers 1900, notamment, lors de la conférence panafricaine de Londres. Par la suite, cette quête a connu d’autres dates marquantes: « la constitution de l’Union africaine, en passant par les Congrès des écrivains et artistes noirs, les Festivals des Arts et de la Culture et tant d’autres rendez-vous de célébration, de revendication ou de réflexion sur l’unité du continent» (Abdou Diouf, 2004). Selon le dictionnaire, le panafricanisme est une «doctrine qui tend à développer l’unité et la solidarité africaines». Il est plus précisément pour nous du MEPUS, une invite au retour radieux à notre passé prestigieux et prospère dans ce sens que l’Afrique berceau de l’humanité, mère de civilisations telles l’Egypte pharaonique, l’empire du Soudan (2500 avant JC), de l’empire du Ghana (avant et après Jésus Christ jusqu’en 1076, pour une autre source c’est vers 770 après JC), du Mali vers 1235 avec sa charte précurseur de kouroukanfouga qui montrent notre intégrationnisme, notre fédéralisme passé. Mais aussi, référons nous à ce passé africain peigné dans : «cette Afrique là» de Jean Ikellé Matiba et subsistant dans certaines de nos zones rurales où l’homme, les communautés africaines baignaient dans une plénitude, une authenticité, une endogèneité, une abondance. Et comme le déplorait Cheikh A Kane dans «l’aventure ambigüe» : «un beau matin un coup de canon nous a réveillés»…Ce fut la destruction, la déstructuration…dont nous ne sommes pas encore sevrés (l’exemple du présent fiasco libyen, une autre œuvre de l’occident est illustratif). Le panafricanisme est un parti pris des plus sains et aujourd’hui encore partout et pour tout prioritaire. En effet, au moment où par toutes formes de militantisme chacun vise à impacter sur la marche du monde, alors que les lobbies corporatifs voire claniques sont vivaces, et que les idéologies politiques et religieuses se réfutent et s’adhérent. L’unité dans la diversité telle la pensée du président malien Ibrahim Boubacar Keita, mais aussi l’intégration des quêtes et des solutions reste la seule issue salutaire pour l’Afrique, pour l’universel.
Ainsi, nos aïeuls tracèrent la voie depuis hier :
Face au chaos précoce, nos aïeuls furent preuve de grandeur se battant avec les armes à leur portée, se défendant avec des arguments irréfutables, rivalisant dans tous les domaines avec leurs vis-à-vis de tous les continents, versant leur sang pour le triomphe de la vérité : l’ashantéhéné Osei Kodjo et Osei Bonsu, Lat Dior, Béhanzin, Samory, Maba, Elhadji Oumar furent des résistants. Cheikh Saad Bouh, El hadji Malick, Cheikh Ahmadou Bamba restèrent indéboulonnables sur les principes donc des repères. Aimé Césaire, Cheikh Anta Diop, Kizerbo, Samir Amin, Senghor, Nelson Mandela, David Diop…démolirent les insinuations d’infériorité culturelle ou de quelconques capacités démontrant à la face du monde la primauté de la maturité africaine. Baye Niass, Krumah, Sankara furent des portes voix africaines visionnaires. L’OUA devenu UA en 2002 de même que les avancées des dynamiques d’intégration sous régionale font un optimisme. Mais aussi, avancée récente, la ZLECA démontre l’éveil à l’exigence d’unité : «A l’heure de la zone de libre échange continentale africaine (ZLECA), un début de matérialisation de l’appel des panafricains?» (Kane, 2019). Ainsi, demain les Etats unis d’Afrique se dresseront pour exporter dans le monde entier (excepté chez ceux qui se morfondent dans l’égarement) la fraternité sans condition, ni mesquinerie, mais loin de toute hypocrisie de l’Afrique luxuriante.
Défis, contraintes, progrès, projection prospective :
Le défi panafricain est aujourd’hui encore très vaste, à la soixantaine de nos indépendances, nos Etats connaissent de nombreux points faibles, de considérables carences, mais un poids marginal sur la scène internationale tant du point de vue économique que politique (l’Afrique selon certaines données ne ferait que moins de 3°/° des échanges commerciaux en contexte de mondialisation, elle est insatiable en importation y compris de ces ressources premières manufacturées d’où les ivoiriens parlent du défi de l’industrialisation pour tous). Quand au Sénégal, pays rural, l’une des plus anciennes et importantes industries que constituent la SONACOS, créée depuis les indépendances ne sait pas faire une lecture du marché considérant les demandes et prix proposés pour savoir que la plupart des producteurs dans l’agriculture familiale avec de maigres subventions préféreront vendre leurs récoltes aux exportateurs mieux disant. Ainsi, dans un pays qui ne manque pas de bras et où la culture arachidière est pluviale, la SONACOS ne sait pas encore autoproduire son besoin en contexte de forte demande, dés lors que les petits producteurs lui tournent le dos malgré que la douane et d’autres services de contrôle soient actionnés. Dans ce registre, le Pr Cheikh Anta Diop s’étonnait que la viande de pays de l’Amérique latine soit moins chère dans certains de nos pays d’où une invite à l’intégration des productions et des marchés. En effet, la désintégration de nos marchés et les tracasseries sécuritaires entre nos pays firent longtemps penser aux économistes tel le Pr Makhtar Diouf que nous sommes une dispersion aliénée. La ZLECA (zone de libre échange continental africaine) est venue dernièrement matérialisée une volonté de rectifier le tir. Au point de vue politique, l’ONU, ce machin selon le Général De gaulle tarde à faire la place idoine à l’Afrique, un droit de véto. Au niveau continental, malgré une meilleure structuration et présence, l’UA et des organisations comme la CEDEAO constatent souvent leur impuissance à faire suivre leurs décisions ou délibérations. L’analyste (Mayecor Sar, 2018) souligne des défaillances dans l’intégration africaine : «Le manque de volonté politique, l’absence de moyens financiers des états membres et le peu de clarté dans le mandat octroyé aux institutions régionales et sous régionales…».
Quand (Andrédou KATTIE, 2008) Parle de: «la lutte contre la fragmentation : un challenge pour le panafricanisme». L’expert UA, Pape Ibrahima Kane, relève des dynamiques d’intégration divers à travers les Communautés économiques régionales (CER) : « Ce que l’on peut dire aujourd’hui du processus d’intégration : il est de niveau inégal. Autant la CEDEAO, sur les aspects politiques et des droits de l’Homme, est en avance sur d’autres régions, autant en Afrique de l’Est dans le domaine de l’économie, l’intégration a fait des avancées énormes. Maintenant en Afrique de l’Est, des Etats envisagent la création d’infrastructures communes.» (Kane, 2017). Le politiste (Tiego Tiemtore, 2004) pour sa part tire un bilan encourageant : « Lentement mais sûrement, l’intégration sous régionale continue sa marche». Les traditions africaines de vivre ensemble sont mises à rudes épreuves dans un contexte de terrorisme planétaire attisant les dissensions et de boulimie minière. Tout ce qui fait dire au président mauritanien Ghazouani, lors du forum PAIX et SECURITE de Dakar que le Sénégal et la Mauritanie partageant une frontière maritime regorgeant de puits gaziers et pétroliers se doivent de rester vigilants, cela d’autant plus qu’une force armée africaine réactive tarde à voir le jour face à des velléités de déposséder le continent de son territoire. Un débat récurrent est la monnaie africaine où le F CFA incriminé par des activistes et autres militants est selon le président ivoirien Wattara, expérimenté en la matière, bon comme il est. Notre mouvement, le MEPUS, quant à lui pense qu’il serait donc bienvenu un échange argumenté au niveau continental ou national, où nos experts du domaine nous soulignerons les avantages et les inconvénients du F CFA, conclusions à soumettre à nos partenaires français qui s’ils ont et peuvent se raviser, sinon à nous d’en tirer les conséquences sans passion ni précipitation. Sachant que, quoiqu’il en soit le fédéralisme africain qui est notre visée mènera à une autonomie africaine en tout.
La dynamique et ou l’invite du mouvement des étudiants panafricains de l’université de St Louis (MEPUS) :
Le mouvement des étudiants panafricains de l’université de St louis (MEPUS) à travers des communications en panel, des conférences, des expositions, des plateformes informatiques d’échange, des caravanes d’investigation et d’information, des points de presse et articles… tend à faire du vœu d’unité de l’Afrique un objectif inclusif, partagé par les peuples, les Etats comme les nations de toute l’Afrique. Dans cette quête avec de modestes moyens, le MEPUS a commencé et cherche à ériger un inter réseaux des élèves et étudiants panafricains sénégalais mais de toute l’Afrique et de la diaspora. Afin que la jeunesse, l’avenir s’approprie du but, le vulgarise en mettant à la disposition de toutes et de tous les arguments de la faisabilité, de l’efficacité voire de la nécessité d’aller vers les Etats unis d’Afrique.
Comme la stipule l’adage : «vouloir c’est pouvoir», que retient l’Afrique? Qui retient l’Afrique? Et si l’Afrique rejetait un cirque de mauvais gout? Le passé africain a laissé des séquelles de fléaux inclusifs dont seule l’unité aurait pu être une préservation. Aujourd’hui, encore, quoique des avancés, le continent africain est en quête d’entente, d’harmonie surtout de la part de ses élites, seul frein à l’union. Pour le MEPUS, il est grand temps d’avancer avec les avancés (les édifiés) et attirés les attardés comme cela s’est fait ailleurs, tous n’ont pas été en même temps partants. Cette décision qui sera d’abord politique et pourra être mise en pratique par les technocrates africains de nos pays, organisations sous régionales et continentales grâce à une franchise de tous, mais avec une mise en avant de l’intérêt supérieur de l’Afrique. En ce début 2020, où les indépendances sont chez beaucoup soixantenaires, ces quelques lignes expriment notre volonté et vœu militants mais ne sauraient contenir tout notre élan, invite au fédéralisme africain. Et comme l’attestait le tonitruant Kadhafi, il est grand temps, rien de valable ne s’oppose à ce que l’Afrique soit unie.
Sénégal, ce 29/12/2019
Moussa Kanté, doctorant, responsable commission scientifique du mouvement des étudiants panafricains de l’université de St louis (MEPUS)